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voit, bien tranquillisantes ; Arago calcule qu’elles sont les mêmes que celles de tirer une boule noire d’un sac qui contiendrait 371 millions de boules blanches.

Ce serait donc un bien grand hasard qu’un pareil accident nous atteignît ; mais enfin mettons les choses au pis, admettons que cet événement arrive, tout improbable qu’il soit : qu’en résultera-t-il ? Un choc effroyable, dit-on, car si deux locomotives, avec leur petite masse de 30 ou 40 tonnes et leur modeste vitesse de 20 mètres par seconde, se pénètrent et s’écrasent, on ne peut envisager sans effroi la perspective d’un arrêt instantané de la terre, qui va 1,500 fois plus vite et pèse 20 millions de milliards de tonnes. On a fait à ce sujet bien des romans, on a tracé des tableaux bien lugubres ; celui de Laplace est remarquable : « L’axe et le mouvement de rotation changés, les mers abandonnant leur ancienne position pour se précipiter vers le nouvel équateur, une grande partie des hommes et des animaux noyés dans ce déluge universel ou détruits par la violente secousse imprimée au globe, des espèces entières anéanties, tous les monumens de l’industrie renversés ; » et après la catastrophe, « l’espèce humaine réduite à un petit nombre d’individus et à l’état le plus déplorable, uniquement occupée pendant très longtemps du soin de se conserver, a dû perdre entièrement le souvenir des sciences et des arts, et quand les progrès de la civilisation en ont fait sentir de nouveau les besoins, il a fallu tout recommencer comme si les hommes eussent été placés nouvellement sur la terre. »

Un théologien anglais, Whiston, animé de la louable intention d’expliquer le déluge universel par l’action d’une comète, choisit celle de 1680, à laquelle Halley avait attribué une révolution de cinq cent soixante-quinze ans ; elle avait dû passer à son périhélie en 2919 et en 2344 avant Jésus-Christ, qui sont les dates admises pour ce grand événement ; il suppose que sa masse était le quart de celle de la terre, qu’elle a dû rompre les sources du grand abîme et verser sur le globe sa propre atmosphère composée de matières aqueuses et terreuses ; elles tombèrent pendant quarante jours. Il va plus loin et admet que cette même comète, dans un avenir menaçant, changera l’orbite, lancera la terre au voisinage du soleil, qui se chargera de la détruire par le feu. Le malheur est que cette malencontreuse comète, d’après les nouveaux calculs de Encke, fait sa révolution, non pas en cinq cent soixante-quinze ans, mais en huit mille huit cent quatorze années, ce qui détruit de fond en comble le roman de Whiston.

Maupertuis fait entendre une note gaie : « La comète pourrait être si petite, qu’elle ne serait funeste qu’à la partie de la terre qu’elle