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les comètes comme des messagers de mauvaises nouvelles. L’humanité s’est dégagée peu à peu des antiques superstitions et de sa croyance naïve à l’action des astres sur sa propre destinée. Nous laisserons donc de côté l’histoire de ces erreurs oubliées, mais il est raisonnable de chercher scientifiquement quelle peut être l’influence hostile ou bienfaisante des comètes sur notre monde solaire.

Les comètes peuvent-elles rencontrer la terre ? Évidemment oui, puisqu’elles arrivent de tous les points du ciel, qu’elles se meuvent dans tous les plans et passent à toute distance du soleil et de nous, et comme elles sont, au dire de Kepler, aussi nombreuses que les poissons dans la mer, ut pisces in oceano, il semblerait que notre système est précaire, qu’un choc est toujours imminent. On peut se rassurer. Sans doute une rencontre est possible ; on va voir combien elle est peu probable.

Les cométographes ont évalué le nombre des comètes qui, depuis vingt siècles, ont traversé le système solaire. En partant de celles qu’on a vues dans le dernier siècle, en admettant qu’elles ont été dans tous les temps également nombreuses et réparties également à toutes les distances du soleil, Arago arrive au chiffre de 20 millions de comètes depuis vingt siècles entre le soleil et Neptune. Ce chiffre est énorme, mais il faut considérer que toutes ne nous ont point menacés ; la terre n’a pu être frappée que par les comètes qui s’approchent du soleil autant qu’elle-même ; or il n’y en a eu que 578 en vingt siècles ; il n’y a donc eu dans un si grand intervalle de temps que 578 possibilités de rencontre ou 29 par siècle, ce qui est déjà rassurant.

Mais pour que l’une de ces rencontres possibles se produise, il faut deux conditions aussi difficiles à réaliser l’une que l’autre : premièrement, il faut que le chemin suivi par la comète croise dans l’espace la route de la terre ; or cette route est un cercle tracé à 40 millions de lieues du soleil, et sa largeur n’est que de 3,000 lieues, les comètes ont donc une large place pour circuler à côté sans la rencontrer. Celles de 1680 et de 1684 en ont approché, la première à 195,000, la seconde à 340,000 lieues, mais aucune comète connue ne l’a jamais exactement coupée : la terre n’a donc jamais été menacée.

En supposant que le chemin de la comète coupât celui de la terre en un point et que la rencontre fût possible, il faudrait encore, pour qu’elle eût lieu, que les deux astres vinssent juste au même moment à ce point unique, et ce moment n’a que la durée d’un éclair, puisque la terre fait presque 7 lieues à la seconde et la comète davantage. Les chances d’une collision sont, comme on le