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et ne sont que des apparences; il suppose qu’une comète et sa nébulosité réfractent la lumière solaire à la façon d’une lentille et la dirigent en un cône divergent qui éclaire les particules cosmiques et les rend visibles, comme un jet de lumière électrique dessine sa route à travers l’air en illuminant les poussières atmosphériques. Cette hypothèse, reprise par Gergonne, n’explique ni la courbure des queues, ni les détails de leur développement.

Olbers suppose que la comète et le soleil sont électrisés et que la répulsion des fluides de même nom enlève à la comète, ses parties légères. Bessel suppose l’existence de polarités dont il ne se donne point la peine de définir la provenance. Tyndall suppose que les matériaux cométaires ont la propriété phosphorescente comme le nitrite d’amyle. Je m’arrête dans cette énumération, il me suffit d’avoir montré que toutes ces explications ne sont que des hypothèses ; mais il en est une sur laquelle j’insisterai à cause de son originalité, elle est due à un professeur russe de l’université d’Odessa, M. Schwedof.

Pour la comprendre, il faut se rappeler que, si l’on agite l’eau en un point, on fait des ronds à sa surface, — ce sont des ondes qui se propagent, — et que si un bateau marche, les ronds formés par la proue en divers points du parcours se combinent pour donner deux vagues rectilignes qui suivent le navire en queue d’aronde. Ce phénomène est connu de tout le monde, on le voit très nettement derrière un canard quand il nage à la surface calme d’un lac. Supposons maintenant que la route suivie par ce bateau ou ce canard, au lieu d’être droite, soit courbe comme celle d’une comète; l’une des vagues, celle qui est à l’intérieur de l’orbite, disparaîtra et sera remplacée par une agitation tumultueuse qui figure assez bien l’auréole de la tête ; l’autre sera courbe et aura la position et l’apparence d’une queue de comète. Tout le monde pourra faire l’expérience au bord d’une mare en agitant l’eau en rond avec le bout d’une canne, ou dans un grand plat avec une pointe fine. A cause de cette analogie dans les formes, M. Schwedof admet l’identité des causes, il suppose que l’espace contient assez de corpuscules cosmiques pour qu’ils soient, à chaque moment, rencontrés par la comète, qu’il en résulte des chocs, des explosions, et des ondes se propageant de proche en proche, et que la rencontre de ces ondes donne lieu, comme sur l’eau, à la vague que nous venons de décrire, vague lumineuse qui nous fait croire à la réalité d’une queue, bien qu’elle n’existe point et ne soit qu’une apparence.

On voit que les explications ne manquent point; il n’y a qu’à choisir; mais cette abondance de suppositions, si elle prouve l’imagination des astronomes, montre aussi quel est leur embarras en face d’un phénomène inconnu.