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s’écarte et finissant à la dernière limite de la raréfaction et de la visibilité, capable encore de réfléchir une minime fraction de lumière solaire, mais n’opposant aucun obstacle à la vue des étoiles, qu’on distingue à travers comme s’il n’existait pas. On a même affirmé qu’elles en devenaient plus vives, ce qui ne peut pas être, et qu’on les voyait même à travers le noyau, ce qui n’est vrai que pour les comètes nébuleuses et qui n’ont point de vrai noyau. C’est pour cette raison que Babinet les regardait comme ayant des masses insensibles et qu’il les appelait des riens visibles.

Les astronomes ne se sont point contentés d’observer les comètes à l’œil nu, ils-y ont employé trois instrumens différens, le télescope, le polariscope et le spectroscope. Au télescope, l’aspect de la queue change à peine, celui de la tête est plus complexe. Quand on les découvre venant de loin, soumises à leur seule attraction, refroidies pendant un long voyage, les comètes ne sont que des nébuleuses autour d’un noyau: lorsqu’elles commencent à se rapprocher et à se réchauffer, il s’y fait des mouvemens évidens. On voit sortir des gerbes lumineuses de la face antérieure du noyau qui reçoit les rayons solaires ; elles forment l’auréole, s’étalent en forme de cône, se recourbent et contournent le noyau pour fuir à l’arrière en une longue traînée : c’est la queue. Elle se forme en avant, elle s’échappe à l’opposé comme repoussée ; elle ne diffère point de l’auréole, elle en est la continuation. Le tout ressemble à une boule au fond d’un sac. Il est clair que, sous l’action, des rayons solaires, la comète échauffée se volatilise, qu’elle lance de son sommet des torrens de vapeur enflammée comme les volcans en éruption, que ces effluves sans cesse renouvelés s’étalent, rebroussent chemin pour aller former, entretenir et agrandir la queue, et que, peu à peu, les matériaux de la comète sont dissipés dans l’espace: ce sont d’abord les plus volatils, puis successivement et par ordre ceux qui résistent à la chaleur; c’est une distillation réglée qui est progressive, s’alimente et se renouvelle avec des matières différentes. On vit jusqu’à six émissions distinctes dans la comète de Donati. En même temps, le noyau s’épuise, il diminue et change d’aspect. L’activité de ces phénomènes s’exagère jusqu’au moment du plus grand échauffement, un peu après le passage au périhélie, puis elle décroît, à la fois par la diminution de chaleur et par l’épuisement. Enfin la comète, refroidie, allégée, débarrassée de ses gaz, retourne aux espaces éloignés pour y ramasser les alimens qu’elle dépensera à son prochain retour. Son rôle est évident; c’est une pourvoyeuse, elle va chercher au loin pour apporter au monde solaire et les y laisser des matières dont nous aurons à apprécier l’importance.