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distantes de soixante-seize et soixante-quinze ans, ce qui est à peu près le même intervalle. En voyant ces analogies, Halley crut pouvoir affirmer qu’on n’avait point affaire à trois comètes distinctes mais à trois apparitions successives d’un même astre. « Or je suis bien porté à croire que la comète de 1531, observée par Apianus, est celle qui a reparu en 1607, que Kepler a vue et que nous venons d’observer en 1682. » Alors en remontant plus haut dans l’histoire, on trouva la mention historique de grandes comètes venues à soixante-quinze ans d’intervalle, en 1456, en 1378 et en 1301 ; cette dernière avait causé un si grand effroi, que le pape Calixte III avait ordonné, pour désarmer le présage, de sonnera midi l’Angélus, ce qui est resté dans les habitudes, quoique la cause en ait depuis longtemps disparu. En remontant encore plus loin, on retrouve la même comète en 1066, considérée cette fois comme l’heureuse annonce de la victoire d’Hastings et brodée en souvenir par la reine Mathilde sur la tapisserie de Bayeux. On a encore essayé de l’identifier avec les apparitions de 837, de 684, avec celle qui suivit la mort de César et que l’on prit pour l’âme errante de ce grand homme. Il faut se défier de ces vérifications rétrospectives trop prolongées dans le passé : les comètes sont fréquentes, il y en a quelquefois plusieurs en une même année; rien dans leur aspect n’est caractéristique; telle qu’on a vue avec une longue chevelure revient rasée; la durée des révolutions elle-même n’est pas tout à fait fixe, et l’on est exposé soit à confondre deux comètes différentes, soit à ne pas reconnaître un astre qui s’est déjà montré.

Comment peut-on concilier la périodicité annoncée par Halley et la théorie de Newton qui avait assigné une course parabolique infinie à la comète de 1682 ? Il n’y a là rien de contradictoire : la loi de l’attraction prévoit tous les cas ; celui d’une orbite infinie n’est qu’une exception, une limite, à peu près réalisée en 1682; les courses périodiques doivent être le cas général. On peut d’ailleurs aisément se tromper et confondre une ellipse très allongée avec une parabole : ce sont deux routes qui diffèrent peu au voisinage du soleil et ne se séparent que loin de lui, peu à peu, lorsque les astres qui suivent l’une ou l’autre ont déjà cessé d’être visibles. On comprend dès lors que la comète de 1682 puisse être la même que les précédentes et qu’Halley n’ait point hésité à prédire un nouveau retour pour 1757 ; « et si elle revient, disait-il, le monde entier saura que c’est à un Anglais qu’on en doit la découverte. » Elle revint en effet, à peu près au moment fixé. Il y avait sept années qu’Halley était mort.

S’il avait vécu jusque-là, il eût peut-être perdu confiance en sa prédiction. Elle ne pouvait être en effet, à cette époque, que très