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occuper. Le projet de traité était tout prêt ; il n’y avait plus qu’à le signer. Aucune objection, aucun acte de notre part ne s’était produit alors, et ne s’est produit depuis, qui pût en retarder le moment, encore moins remettre les choses en question. »

Ce point établi, M. de Moustier démontrait que ce n’était pas le gouvernement de l’empereur qui avait suivi depuis lors une marche rétrograde, comme on se plaisait à le lui reprocher ; il en faisait remonter la responsabilité à M. de Bismarck, qui, dès son retour de Varzin, avait tenu un langage énigmatique, plein de réticences, nous avait fait pressentir des difficultés de tout genre, et nous avait demandé, en s’appuyant sur les hésitations du roi, de réduire nos engagemens à une simple convention de neutralité. « C’est en présence de ces objections que j’ai dit au comte de Goltz, ajoutait-il, qu’il n’entrait pas dans nos intentions, quelle que fût notre ardeur de donner suite à nos premiers projets, de violenter les sentimens du cabinet de Berlin, ni de le presser de dépasser la mesure de son tempérament. Ce n’est donc pas nous qui avons pris l’initiative d’un pas en arrière. » Aussi, pour dissiper tous les malentendus, M. de Moustier autorisait-il l’ambassadeur à déclarer au cabinet de Berlin, au nom de l’empereur : 1o que nous n’avions aucun projet éventuel sur les Provinces rhénanes ; 2o que nous n’avions jamais considéré la cession du Luxembourg que comme un moyen efficace qui s’offrait à la Prusse de donner à l’opinion publique en France un légitime et utile apaisement, et enfin, 3o que nous étions prêts à signer le projet d’alliance, tel qu’il avait été préparé et rédigé au mois d’août 1866. — Le ministre remarquait, non sans le regretter, qu’il y avait déjà beaucoup de temps perdu ; il jugeait qu’il importait de ne pas laisser sans nécessité cette situation se prolonger encore, et il pensait qu’il ne fallait pas ajourner la solution, comme le proposait M. de Bismarck, jusqu’au moment où les deux souverains pourraient se rencontrer. Il croyait qu’il valait mieux déblayer le terrain derrière eux et ne pas leur laisser tout à faire. « J’ai fait part à l’empereur, disait-il en terminant, des intentions du roi Guillaume de venir à Paris lors de l’exposition universelle ; il en a témoigné une vive et sincère satisfaction. Vous ne devez pas le laisser ignorer à M. le comte de Bismarck. »

Au moment où ces explications, qui devaient dissiper de fâcheux malentendus et ramener M. de Bismarck à des vues plus conciliantes, partaient pour Berlin, les chambres se réunissaient. C’était pour la première fois que l’empereur, depuis les échecs subis par sa politique intérieure, se retrouvait en présence des grands corps de l’état. On savait que son discours consacrerait les importantes réformes dans les institutions impériales, qu’il avait annoncées dans