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germanique étaient éteints, il existait des droits antérieurs en vertu du traité intervenu le 11 mai 1815 entre les Pays-Bas, l’Autriche, l’Angleterre, la Russie et la Prusse, qui donnait à la place un caractère non-seulement allemand, mais européen. La Prusse, en un mot, maintenait son droit de garnison, non comme successeur de la diète, mais comme déléguée de l’Europe. « La position militaire de la Prusse doit rester intacte, disait le mémorandum, et le gouvernement prussien a la volonté et la puissance de défendre ses droits au besoin par son armée et jusqu’à son dernier soldat[1]. » L’avertissement, bien qu’indirect, s’imposait à nos méditations. Il était difficile à M. de Bismarck de renier ses engagemens, mais rien n’empêchait le ministre des affaires étrangères de Prusse de nous prévenir par voie détournée que le cabinet de Berlin ne se souciait plus de les exécuter.

Les affaires intérieures, si lourdes à ce moment, étaient l’unique préoccupation du conseil des ministres. Elles étaient multiples et d’un intérêt exceptionnel. C’était la réorganisation de l’armée qui devait permettre à la France de reprendre son ascendant en Europe ; c’étaient les réformes libérales que l’empereur se proposait d’octroyer au pays pour se faire pardonner les mécomptes de sa politique extérieure, c’était enfin l’exposition universelle qui devait, au printemps, attirer à Paris les peuples et les souverains, et qui, sans Sadowa, eût été pour l’empire une véritable apothéose. On délibérait à la fois sur les travaux de la paix et sur les préparatifs de la guerre, contraste étrange amené par des événemens qu’on n’avait su ni prévoir ni diriger. Cependant la réunion des chambres approchait, et l’on commençait à comprendre que, pour faire accepter à la France de lourdes charges militaires, il ne suffisait pas de lui concéder quelques libertés, mais qu’il fallait encore la réconcilier par un succès diplomatique avec les événemens du dehors.

C’est ainsi que tout naturellement, par la force des choses, on se trouvait ramené à mettre le cabinet de Berlin en demeure d’exécuter les engagemens qu’il avait pris en maintes circonstances et qu’au commencement de septembre il avait offert spontanément de consacrer par un traité solennel d’alliance offensive et défensive.

M. Rouher allait rentrer en scène, sur le terrain de la politique extérieure, mais cette fois avec le plein assentiment du ministre des affaires étrangères, qui ne demandait pas mieux que de s’effacer et de laisser au vice-président du conseil le soin de reprendre les négociations qui avaient précédé son entrée au ministère. Le ministre d’état conféra avec l’ambassadeur de Prusse. Son thème était tout tracé : l’ouverture prochaine des chambres et la nécessité

  1. Dépêche de Francfort.