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de courir aussitôt à l’exemple le plus proche et de suivre le commentaire historique dont l’éditeur accompagne Macbeth.

M. Darmesteter nous montre quels élémens offraient au poète l’histoire et la légende, et suivant quel esprit le poète a modifié ces élémens ; et il conclut à la fin : « La tradition offrait à Shakspeare une matière dramatique, mais la matière seule était dramatique ; transformés par Shakspeare, les caractères mêmes le deviennent. » — Qui était le Macbeth de l’histoire? « Une sorte de Louis XI écossais, arrivé au trône par le meurtre, mais non par la trahison; ce n’est pas un assassin qui égorge un parent ou hôte sous son toit, c’est un ennemi qui fait périr son rival dans la lutte! Devenu roi, il se montre digne du trône et son règne est pour l’Ecosse une ère d’ordre et de prospérité. » Le Macbeth de la légende? Il paraît peu après celui de l’histoire. Pour les partisans du roi vaincu, l’usurpateur n’a pu triompher que parle secours du diable, dont il est apparemment le fils : sa mère fut jadis séduite par le démon; quant à lui, dans un rêve, il vit un jour trois femmes, pareilles aux sœurs de la Destinée, qui lui prédirent qu’il serait roi. Vient un chroniqueur, de fantaisie plus ardente et plus féconde que ses devanciers ; au lieu du rêve, il imagine une entrevue avec les trois sœurs. Mais l’entrevue comme le rêve n’est qu’un épisode, un incident, un ornement dans la vie de Macbeth, et le vainqueur de Duncan demeure dans la légende comme dans l’histoire un personnage dont le caractère n’a rien de dramatique. Shakspeare paraît; il s’empare de ces élémens. Il néglige les motifs divers et matériels d’agir qu’avait le Macbeth de la légende comme celui de l’histoire. Il marque, comme point de départ de son drame, la rencontre de Macbeth et des trois sorcières : la prédiction s’enfonce dans l’esprit du héros, a du premier coup, comme une idée fixe ; peu à peu cette idée corrompt les autres et transforme tout l’homme; » et le drame n’est tout entier que « le récit d’une monomanie. » Qui parle ainsi? C’est M. Taine. Impossible, j’imagine, de dire plus crûment que Macbeth, ce drame où les crimes, les batailles, les révolutions d’état se précipitent, n’est, en dernière analyse, qu’une étude de caractère.

Il serait curieux de faire sur Œdipe, si nous en avions le loisir, la même étude, avec l’aide de M. Constans, que nous venons de faire sur Macbeth avec l’aide de M. Darmesteter. Nous y verrions que la légende d’Œdipe fut rattachée à l’antique Thébaïde pour expliquer par la malédiction d’un père et par une funeste hérédité la haine des frères ennemis et les crimes qui les environnent. Nous y verrions que le texte primitif de l’oracle parle seulement du parricide et nullement de l’inceste. Nous y verrions encore que l’exil d’Œdipe, après la découverte de son double forfait et sa mort à Colone, après l’imprécation lancée