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départemens est aussi complet qu’on pouvait l’espérer, lisons-nous dans une circulaire du ministre Letourneux aux administrations départementales, combien le spectacle que présente le tableau des écoles primaires ne doit-il pas affliger l’âme de tous les vrais républicains ! — En butte à la malveillance et à la calomnie, dénuées des premiers secours qui pouvaient les soutenir et les alimenter, attaquées même ouvertement et ridiculisées par ceux qui en devraient être les premiers défenseurs,.. elles n’existaient pas encore que déjà elles avaient cessé d’être…

« Ainsi réduits à l’état le plus déplorable, sans considération au dehors, sans élèves pour la plupart, les instituteurs voient leur zèle entièrement paralysé, et ce n’eût été qu’en se prêtant par une lâche complaisance aux plus honteux préjugés et en devenant parjures à leur serment qu’ils auraient pu obtenir quelque succès.

« Et cependant, à côté d’eux, s’élevaient et s’élèvent encore avec audace une foule d’écoles privées où l’on propose impunément les maximes les plus opposées à la constitution et au gouvernement, et dont la coupable prospérité semble croître en raison de la perversité des principes qu’y reçoit la jeunesse ! »

Ce document est de l’an VI. Deux ans plus tard, je note encore ce qui suit dans les minutes de deux rapports[1] émanés des bureaux du ministère de l’intérieur :

Premier rapport : « L’établissement des écoles primaires a été jusqu’ici presque partout sans succès. On peut donner plusieurs causes de l’état de nullité où sont ces écoles : 1o mauvais choix de la plupart des instituteurs, qui ont été élus dans des temps difficiles, cause qui en amène nécessairement une autre : le défaut de confiance des pères de famille ; 2o le vice de la loi qui ne leur a assuré aucun moyen d’existence par un traitement. »

Deuxième rapport : « Les écoles primaires sont presque partout désertes. Deux causes y ont contribué : la première est le détestable choix de ce qu’on a appelé des instituteurs ; ce sont presque partout des hommes sans mœurs, sans instruction et qui ne doivent leur nomination qu’à un prétendu civisme qui n’est que l’oubli de toute moralité et de toute bienséance. La seconde cause est dans la force toujours subsistante des opinions religieuses que les lois ont trop heurtées et pour lesquelles ces instituteurs affectent un mépris insolent. »


IV.

Au résumé, les écoles inorganisées en grande partie, désertes presque partout et suspectes aux populations, un très petit nombre

  1. Arch. nat.