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pas beaucoup de malice ; Ulysse est un héros fameux par son adresse ; il a déjà fait entrer le cheval de bois dans Troie, il saura bien faire sortir ses compagnons et lui-même de l’antre du monstre. Au contraire, entre l’Ogre et le petit Poucet, toutes les chances sont pour le premier ; c’est la lutte entre l’épervier et la colombe, entre le loup et l’agneau, lutte désespérée, pleine d’angoisses et dont le dénoûment fatal fait d’autant plus horreur qu’il tarde davantage. Aussi quelle joie profonde, intense, lorsque, après mille dangers, au lieu d’être dévoré par le loup, l’agneau s’échappe enfin et rentre sain et sauf au bercail ! Quelle grande et salutaire leçon de morale en même temps ! Tout au rebours, dans les livres de classe ou de lecture postérieurs à 1789 et publiés la plupart par les soins de la convention, quelques-uns même à ses frais. N’y cherchez pas d’inspiration supérieure ou de vues générales et désintéressées. Faire connaître aux enfans la constitution et les principes sur lesquels elle repose, l’organisation politique, administrative, religieuse et judiciaire en même temps et surtout leur inspirer l’amour de la république et du peuple, la haine des rois, des aristocrates et des prêtres, voilà le fond de cette littérature officielle. Elle n’enseigne pas seulement à l’enfant qu’il est né libre et qu’il a des droits ; que ces droits il les tient de la nature et de la constitution ; qu’une déclaration solennelle du peuple français les a consacrés ; elle ne se contente pas de lui mettre sous les yeux le texte de ces documens avec un commentaire et des réflexions souvent plus obscurs que la lettre elle-même ; elle y joint des récits, des appréciations sur les hommes et sur les événemens, des comparaisons entre l’ancien régime et la révolution, des exemples de vertu civique et de corruption aristocratique propres à graver dans de jeunes esprits l’idée de la supériorité de l’homme du peuple sur les autres hommes, et de la république, dans ses pires excès, sur toutes les autres formes de gouvernement.


Lisez plutôt ces extraits :


Extrait de l’Alphabet des sans-culottes, ou Premiers élémens de l’éducation républicaine, dédié aux jeunes sans-culottes, par demandes et par réponses :

D. — Quelles sont les époques les plus glorieuses de la révolution ?

R. — Le 14 juillet 1789, le 10 août 1792, le 31 mai et le Ier juillet 1793.

D. — Qu’est-ce que c’était que la Bastille ?

R. — Une prison affreuse où le tyran faisait enterrer vifs ceux qui osaient élever la voix contre la tyrannie.