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parlait pas un autre langage. « N’en doutons pas, messieurs, disait un orateur[1], le dernier degré de perfectionnement de la raison humaine et de l’instruction publique sera dans l’institution universelle, et jusque dans les moindres villages, de ces clubs populaires, de ces sociétés fraternelles. Voyez le bien qu’ils ont opéré à Lyon : l’aristocratie y dominait ; elle a disparu ou a été forcée de se cacher depuis l’établissement des sociétés populaires… »

« On demande quel est le meilleur système d’éducation nationale dans un régime libre. Il doit être simple, économique : des écoles gratuites pour le peuple enfant, des clubs pour le peuple homme. Voilà ce que la nation doit établir, doit payer ; pour le reste, laissez l’industrie privée à elle-même… »

Le club maître de l’école et maître d’école lui-même, voilà donc, prise sur le fait, la pure doctrine révolutionnaire. En matière d’instruction publique, comme dans le reste, la seule autorité souveraine, indiscutable, antérieure et supérieure à tous les autres pouvoirs, c’est lui, lui seul et c’est assez. Dès lors à quoi bon tous ces rouages : municipalités, jurys d’instruction, assemblées départementales ? Cette machine si compliquée, si laborieusement agencée n’a plus de raison d’être. La force motrice lui manquera toujours, et d’avance elle est frappée d’inertie.


II.

Si, du moins, à défaut de pouvoirs compétens capables de traiter avec un peu de suite et de prudence une matière aussi délicate que l’éducation de la jeunesse, le législateur avait respecté les vieilles méthodes ! Depuis un temps immémorial, en France, les matières d’enseignement comprenaient, outre la lecture et l’écriture, un peu d’histoire sainte et le catéchisme. L’école avait toujours été confessionnelle ; c’était même, à dire vrai, le seul côté par où la royauté et le clergé s’intéressaient à elle. L’idée de la nécessité de l’instruction pour l’instruction n’existait pas encore sous l’ancien régime, et personne alors ne se fût avisé de se plaindre que la religion eût sa part dans l’éducation ; On n’aimait pas les moines, mais le bon Dieu n’avait pas d’ennemis personnels ; on ne le trouvait nullement gênant et l’on ne demandait pas mieux que de laisser venir à lui les petits enfans ; s’ils n’en étaient pas plus sages, à coup sûr, ils n’en étaient pas plus méchans. D’ailleurs, où le bon Dieu ne réussissait pas, on avait la ressource du fouet, cet autre grand moyen de l’ancienne pédagogie.

  1. Discours sur l’utilité des sociétés patriotiques et populaires, prononcé le 28 septembre 1791 à la Société des amis de la constitution, séante aux Jacobins.