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était alors le Var démesurément agrandi. Voilà donc une région abritée contre l’invasion du froid, à l’époque même de la plus grande extension des glaciers. On sait par expérience que des cimes lointaines, couronnées de neiges permanentes, ensevelies, si l’on veut, sous les frimas, sont loin d’être un obstacle au climat tiède et modéré des plaines inférieures. À plus forte raison, peut-on attribuer la même immunité à d’autres contrées, comme le centre, l’ouest et le nord-ouest de la France, alors écartées des grandes chaînes, soustraites par conséquent à la visite ainsi qu’à l’influence directe des glaciers. Cette circonstance rend parfaitement compte de la présence à Moret, près de Fontainebleau, du figuier et du laurier recueillis par M. Chouquet dans les tufs quaternaires de cette localité.

Un climat très pluvieux, entraînant la chute d’une énorme quantité de neige sur le sommet des chaînes principales, accompagné, si l’on veut, d’un abaissement relatif assez marqué pour motiver les précipitations aqueuses et prolonger les hivers aux approches immédiats des massifs montagneux, un tel climat a dû amener une extension des glaciers du nord et du centre de l’Europe, sans impliquer pour le reste de ce continent la présence d’une température arctique défavorable soit à la multiplication des grands animaux, soit au développement des forêts nécessaires à leur alimentation.

Notre conviction est formée sur ce point, mais elle doit être appuyée par des argumens tirés de l’examen des divers ordres de faits dont l’ensemble caractérise les temps quaternaires. Nous l’avons affirmé au cours de ce résumé et nous le répéterons avant de le terminer, la considération d’un phénomène isolé, quelles que soient l’énergie et la puissance que l’on soit tenté de lui attribuer, ne saurait tout décider. À côté de cet indice souverain auquel on voudrait en vain subordonner tout le reste, il en est d’autres, moins apparens peut-être, mais dont il est juste détenir compte. Nous savons maintenant que, lors des temps quaternaires, il y a eu en Europe et ailleurs une remarquable extension des glaciers soit alpins, soit polaires. Mais l’étude et la mise au jour de ce qui tient aux plantes, aux animaux, finalement aux races d’hommes de ces mêmes temps, ont un droit au moins égal à notre regard attentif. On comprend bien qu’il est indispensable, après avoir exploré le côté physique des événemens, d’interroger aussi la nature vivante et de lui arracher ses secrets ; c’est ce que nous essaierons de faire prochainement.


G. DE SAPORTA.