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de Ceyssac ; il est bien certain que ces espèces n’ont plus abandonné notre sol depuis cette époque. L’érable à feuilles d’aubier abonde dans le tertiaire récent du midi de la France ; il se retrouve dans le quaternaire de la même région et de nos jours il habite encore aux mêmes lieux. Le laurier rose de Meximieux a laissé les environs de Lyon depuis le pliocène, mais il est encore indigène le long des côtes de Provence. À quoi bon multiplier ces exemples ? ils sont innombrables : la vigne, le gainier, le laurier nous en fourniraient d’autres ; il n’est pas jusqu’au pin d’Alep dont un cône recueilli dans les tufs pliocènes de Saint-Martial (Hérault) ne soit venu attester l’ancienneté. Il s’agit pourtant d’un type qui n’a dû son extension récente qu’à la diminution de l’humidité. Cette diminution marque la fin du quaternaire et devient, à partir de ce moment, le trait principal du climat méditerranéen ; on conçoit qu’elle ait favorisé la diffusion d’un arbre sensible au froid, mais étroitement adapté à la constante sérénité du ciel méridional.

En ce qui touche les animaux, le cheval arrivé en Europe dans le cours du pliocène, se montre en Asie dès le miocène supérieur ; il continue à se multiplier dans le quaternaire ; le mouvement inauguré se prolonge ainsi sans hiatus marqué. Selon M. A. Gaudry, à qui nous sommes redevables de ces enseignemens, l’elephas antiquus de Falconer se rattacherait étroitement à l’éléphant des Indes ; or il appartient à la fois aux derniers dépôts tertiaires et aux formations quaternaires les mieux caractérisées. Dans le tuf des Aygalades, près de Marseille, où l’on a rencontré une fois un squelette entier de cet animal, les espèces végétales : chêne, laurier-tin, figuier ; micocoulier, pomastre, etc., ne diffèrent point de leurs similaires provençaux actuels. Les espèces anciennes n’étaient donc pas détruites, lorsque les modernes sont venues prendre leur place ; mais les deux catégories, dans l’un et l’autre règne, ont pu vivre juxtaposées, associées dans le même ensemble. Il paraît donc inutile d’insister.

Mais si le froid de l’époque glaciaire n’a été ni assez général ni assez violent pour anéantir la vie même en Europe, quelle doit être la véritable signification du phénomène ? — Cette signification résulte pour nous des faits raisonnablement interprétés : dès qu’il ne s’agit plus de glaces universelles, mais d’une extension prodigieuse, si l’on veut, des glaciers ; ceux-ci, par cela même, ont été forcément u localisés, » c’est-à-dire renfermés dans des limites déterminées, si élargies qu’on les suppose. — Ainsi, la vallée inférieure de la Durance, au fond de laquelle coulait alors un fleuve presque aussi puissant que le Rhône lui-même, n’a jamais laissé reconnaître, de Sisteron à la mer, aucun vestige de l’action glaciaire. Il en est de même au pied des Alpes maritimes, dont le déversoir