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des points où il n’existe plus de glaciers, mais reconnaissables à des traits décisifs et accusant une origine quaternaire ont reçu divers noms. En Écosse, où elles recouvrent toute la surface, et dans une partie de l’Angleterre, ailleurs encore, elles sont connues sous le nom de drift : ce sont des accumulations incohérentes de gravier, de sable, d’argile et d’autres matériaux couvrant une vaste portion du pays et divisibles, selon M. Geikie, en deux séries qu’il appelle le « drift supérieur » et le « drift inférieur. » L’élément le plus caractéristique du drift inférieur est le « till ou boulder-Clay, » argile tenace, mélangée çà et là de fragmens de roches émoussés ou semi-anguleux, ordinairement striés ou polis à la surface. — Le lehm, ou limon confusément stratifié de la vallée du Rhin, ne paraît être qu’une boue glaciaire transportée par les eaux du fleuve qui se dépouillaient de leurs élémens les plus fins, en reprenant peu à peu leur clarté.

Une autre catégorie d’élémens rocheux auxquels les glaciers servent de véhicule ne cheminent plus au-dessous de lui, mais se trouvent disposés à sa surface. Ces élémens sont évidemment ceux qui correspondent aux blocs erratiques quaternaires. Ils ne sont plus que curieux à examiner à raison même de cette assimilation. — Ce sont des blocs généralement anguleux et de dimension inégale, détachés des hauts sommets, roulés par les torrens ou entraînés par leur propre poids le long des pentes et qui viennent successivement prendre place sur le glacier. Portés par lui, enchâssés par la base dans la substance solide et cristalline qui les soutient, ils marchent avec elle, comme des pierres de construction que soutiendrait un radeau, mieux encore, que traînerait un wagon glissant sur les rails d’un plan incliné. Une partie de ces blocs, rejetés le long des bords où ils vont échouer, s’accumulent en une double traînée longitudinale, semblable aux digues et aux jetées qui protègent les bords de nos rivières contre les crues. D’autres, et ce sont les plus gros, poursuivent leur marche, descendent les pentes et les remontent avec la glace pour aller enfin se précipiter à l’endroit même où se termine le glacier. Ceux-là aussi s’accumulent en jetées transversales; ils forment parfois par leur entassement des barrages qui, cimentés ensuite par le limon, peuvent donner lieu à des lacs artificiels situés en amont ; ce sont là les moraines frontales ou terminales, plus ou moins développées, plus ou moins régulières selon les allures du glacier lui-même, susceptibles de se déplacer avec lui, avançant ou reculant selon les cas, mais toujours présentes en contre-bas des glaciers actuels et visibles aussi lorsqu’on explore l’emplacement des anciens glaciers pour reconnaître jusqu’où ils se prolongeaient.