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les autres quaternaires, que l’on admire dans nos grands musées? L’éléphant « méridional » du Muséum de Paris a été extrait d’une vase durcie, sorte de fondrière marécageuse des environs de Durfort (Gard), où l’animal gigantesque s’était enfoncé debout, entraîné par son propre poids. Il est vrai que ces fossiles n’ont pas gardé leur peau et jusqu’à leur chair comme ceux découverts en Sibérie; mais cet état de conservation, uniquement dû aux propriétés d’un sol glacé, n’a rien à voir avec le phénomène violent et général que l’on a si gratuitement invoqué. D’ailleurs, puisqu’il s’agit de masses d’eau venues du pôle ou d’ailleurs, d’une débâcle submergeant d’immenses étendues, où faudrait-il placer le point de départ de l’impulsion qui aurait fait mouvoir ces eaux ? Les régions arctiques auraient-elles renfermé quelque part des écluses pour les retenir et les lancer ensuite sur des plans inclinés de manière à accélérer leur vitesse et à accroître leur force? Conçoit-on, comme on l’a supposé quelquefois, les glaces polaires fondues en quelques jours et s’écoulant de toutes parts ! Si c’est à une convulsion intérieure, à un déplacement de l’axe terrestre, à un glissement des pôles que l’on veut avoir recours, on tombe aussitôt dans l’inconvénient d’invoquer une merveille gratuite. Il est vrai que les coups de théâtre ont été longtemps familiers à ceux même des géologues aux yeux desquels la théorie scientifique la mieux enchaînée, la plus conforme à la marche progressive qui gouverne la nature paraît une énormité, tandis que ceux qui l’adoptent passent pour des esprits chimériques. Comment expliquer une pareille contradiction, sinon par un penchant de l’intelligence humaine, facile à accueillir ce qui flatte les opinions qu’elle caresse et portée k combattre ou à dédaigner tous les argumens susceptibles de servir d’appui aux idées qu’elle repousse ?

La théorie glaciaire, graduellement mais solidement établie, a seule mis fin à ces anomalies. Après qu’elle eut été inaugurée par l’Anglais Playfair, développée plus tard par Wenetz et Jean de Charpentier, que de luttes pour la faire accepter! quelle longue série de recherches poursuivies sur les lieux, dans les Alpes, les Vosges, les Pyrénées, en Angleterre, en Scandinavie, aux États-Unis et jusque dans les régions de l’extrême Nord ! Que d’efforts accumulés pour faire toucher au doigt les analogies, les similitudes des phénomènes anciens comparés à ceux de nos jours, l’identité des blocs erratiques et des blocs transportés par les glaciers modernes ou par les glaces flottantes ; des roches striées, cannelées ou polies avec celles de même nature que raient et polissent les glaciers actuels, en glissant sur un plan incliné, dans leur marche que rien n’arrête ! Comment ne pas citer les noms de Martins, de Desor,