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les âges historiques les plus reculés. Ces temps, nous allons le voir, furent caractérisés par une extension formidable des glaciers, mais ils correspondent aussi à la première diffusion de la race humaine. À ce double titre, ils ont droit à notre intérêt. La cause de l’extension des glaciers n’est pas moins mystérieuse, elle ne fut ni moins puissante ni moins active que celle qui présida à la diffusion des plus anciennes sociétés humaines. Pourquoi d’ailleurs cette coïncidence ? Y eut-il connexion entre deux ordres de phénomènes aussi distincts en apparence : l’un purement physique, mais ayant avec les conditions de milieu des attaches incontestables, l’autre uniquement biologique, dévoilant le germe et le début de toutes les combinaisons sociales qui suivirent? — Rien de plus controversable qu’un semblable problème dans sa complexité, dans sa raison d’être aussi bien que dans ses résultats; mais tout d’abord il faut convenir des faits, les asseoir, les définir et, avant de s’arrêter aux phénomènes glaciaires considérés en eux-mêmes, fixer la signification de l’époque qui les vit grandir outre mesure. Ces explications sont d’autant plus nécessaires qu’on a été plus long à se mettre d’accord sur ce qu’il fallait entendre par les temps quaternaires, ou, pour parler comme la plupart des géologues, par le « quaternaire, » dont cependant les graviers, les limons, les roches, les délaissemens de toute nature, dus à l’action des eaux, sont encore sous nos yeux épars à la surface du sol.


I.

Lorsque la « science de la terre » tendit à s’appuyer sur des notions positives, les géologues remarquèrent de bonne heure des amas d’alluvions, des atterrissemens, si l’on veut, jetés comme un manteau interrompu sur les autres étages, même les plus récens, et les recouvrant indifféremment. Ces sédimens, évidemment dus à l’action des eaux en mouvement, ne se distinguaient ni par leur aspect, ni par leur composition, des dépôts similaires que nos rivières, nos fleuves et nos torrens accumulent le long de leurs bords ou vers leur embouchure; ils étaient de même nature et souvent même en liaison avec ces derniers ; mais on voyait que les eaux actuelles n’étaient ni assez puissantes, ni assez continues, ni assez rapides, qu’elles n’atteignaient pas un niveau assez élevé pour rendre compte du phénomène que l’on examinait. Alors, par une appréciation plutôt instinctive que raisonnée de ce phénomène, visiblement sorti de l’impulsion de masses liquides promenées à la surface du globe, et l’associant au souvenir du déluge biblique, on donna le nom de terrain diluvien ou simplement de « diluvium » à ces amas superficiels