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au lieu de s’aplanir, aillent en augmentant. » Walsingham, aussitôt après le retour de de Foix, vint trouver Charles IX pour savoir quelle impression il avait ressentie de ce que de Foix avait pu leur rapporter. Tout en se louant beaucoup de la réception faite à son envoyé, Charles IX répondit simplement que « la reine lui ayant fait dire qu’elle ne consentiroit jamais à ce que le duc pût avoir la messe, il lui avoit semblé que c’étoit un prétexte pour rompre ; que pourtant il attendroit, pour y voir plus clair et asseoir son jugement, l’ambassadeur qui étoit annoncé. »

Pendant les quatre mois qui s’écoulèrent entre le départ de Paul de Foix de Londres et l’arrivée de Smith en France, la situation de l’Angleterre s’était très aggravée. « Nous manquons d’alliances, écrivait Cecil à Walsingham ; l’état est chancelant ; si l’on n’y met la main, le mal est incurable. » Il y avait, en effet, de quoi s’effrayer : à l’intérieur, la prise d’armes des nobles du Nord sous la conduite des comtes de Northumberland et de Westmoreland, chefs catholiques des vieilles et grandes maisons de Percy et de Neville ; la conspiration de Norfolk, qui s’était perdu pour Marie Stuart, dont il s’était épris sans jamais l’avoir vue ; les troubles de l’Irlande ; la guerre d’Ecosse, où l’Angleterre appuyait le jeune roi, tandis que la France soutenait Marie Stuart ; au dehors, la rupture avec l’Espagne, dont l’ambassadeur venait d’être congédié ; la bataille de Lépante, qui, en relevant la fortune de Philippe II, lui aurait permis, avec un peu plus de hardiesse qu’il n’en avait, de secourir à la fois les rebelles de l’Irlande et les catholiques de l’Angleterre. Une alliance avec la France était donc devenue une nécessité et le mariage du duc d’Anjou le meilleur moyen de l’obtenir dans de bonnes conditions. Mais comment reprendre une négociation morte, suivant l’impression de Cecil ? Depuis le départ de Paul de Foix, La Mothe-Fénelon était resté muet. Une seule fois Elisabeth avait abordé avec lui ce sujet, disant qu’il lui semblait que le duc ne comptait plus sur ce mariage et le tenait pour rompu. Et La Mothe n’avait rien répondu. Dans des circonstances aussi difficiles, le choix de l’ambassadeur à envoyer en France était embarrassant. Elisabeth avait d’abord pensé à Leicester ou à Cecil, mais dans l’état grave où était l’Angleterre, ils ne pouvaient s’éloigner. À leur défaut, elle avait jeté les yeux sur Henri Cobham, mais il s’était trouvé compromis dans la conspiration de Norfolk. Elle s’arrêta définitivement à Smith, que de Foix au départ avait indiqué. Cette nouvelle mission avait un double but : reprendre la négociation du mariage avec le duc d’Anjou, si cela était encore possible, et en tous cas traiter d’une ligue avec la France. « J’étais et je suis encore, écrivait Cecil à Walsingham, pour que la reine se marie, parce que c’est pour elle le seul