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c’était d’ailleurs un privilège limité à lui seul, dont il n’userait qu’en particulier ; il n’y avait donc là ni scandale ni troubles à craindre. Walsingham demandant au duc s’il ne pourrait pas au moins de temps en temps assister au service de l’église anglicane, il répondit ne savoir comment Dieu disposerait son cœur à l’avenir, mais que pour le moment il priait la reine de considérer combien il était pénible de faire quelque chose de contraire à sa conscience. Walsingham, en quittant le duc, vit Charles IX et dit que la reine lui saurait gré d’amener son frère à ne pas demander d’une manière trop absolue une tolérance qui, en Angleterre, pourrait avoir des suites très dangereuses. Charles IX lui promit qu’il obligerait son frère à aller aussi loin que l’honneur et sa conscience le pourraient permettre. Au sortir de chez le roi, Walsingham fut reçu par Catherine, qui le pria d’écrire à la reine de ne pas trop faire attendre sa réponse et d’en modérer les conditions autant que possible. Il apprit à la cour qu’il était question d’envoyer en Angleterre le maréchal de Montmorency, qu’en tout cas M. de Foix l’y précéderait.

Obtenir d’Elisabeth une résolution était toujours l’obstacle, la grande difficulté. Cecil néanmoins, à force d’instances, arracha l’autorisation de dresser les articles de sa réponse. Ce premier travail à peine terminé, Elisabeth l’invita à y intercaler la demande de la restitution de Calais ; c’était forcément un cas de rupture. Cecil et Leicester lui représentèrent tous deux qu’il n’était plus temps de tergiverser, qu’il ne s’agissait pas ici d’un roi de Suède et d’un roi de Danemark, mais d’un puissant voisin, et qu’en cas d’un refus injurieux, une invasion pouvait être à craindre. Elle fit semblant de se rendre à leurs raisons et Cecil put reprendre son travail. Pour gagner du temps, elle prétexta qu’elle avait de graves inquiétudes sur les suites de son mariage. Son médecin l’avait effrayée ; elle craignait de n’être ni assez saine, ni assez bien disposée pour se marier. Elle voulait attendre qu’elle fût dans un meilleur état. Catherine commençait à s’inquiéter de ces lenteurs. « Je me doute, écrivait-elle à La Mothe-Fénelon, qu’elle nous laisse là, quand elle aura fini ses affaires. » Tout en mettant en avant l’excuse de sa santé pour gagner un peu de temps, Elisabeth cherchait à se maintenir dans les bonnes grâces de Catherine et ne lui ménageait pas les protestations dans ses lettres. Néanmoins, les inquiétudes de Catherine persistant, elle se décida à faire partir pour l’Angleterre Larchant, capitaine des gardes du duc d’Anjou. Charles IX, dans une lettre à La Mothe-Fénelon, précise bien le but de cette mission : « Avant d’envoyer des gens de plus grande qualité en Angleterre, nous voulons voir clair en cette négociation. »

Larchant emportait deux lettres du maréchal François de Montmorency pour Cecil et Leicester et une du duc d’Anjou pour Cecil.