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mariage fut donc de nouveau laissé de côté, sans que pourtant les chances de Leicester s’en fussent accrues. Son rôle d’épouseur était bien fini.

Uniquement préoccupé de la guerre civile de France, le parlement anglais n’avait plus insisté auprès d’Elisabeth pour son mariage et sa succession. Elle ne pensa donc plus ni à Charles IX, ni à l’archiduc Charles, ni même à Leicester ; mais, chose inattendue, au moment où elle apprit que le mariage de Charles IX était décidé avec la seconde fille de l’empereur Maximilien, elle en conçut un extrême déplaisir. Faisa.it un triste retour sur le passé, sur son isolement, elle en prit un tel chagrin que Leicester, qui avait renoncé à tout espoir de l’épouser, lui proposa de reprendre la négociation avec l’archiduc Charles et de faire partir pour Vienne Henri Cobham, dont c’était le début dans la carrière. Il était si jeune qu’il n’avait pas encore de barbe. Après Sussex, dont le nom seul était une autorité, ce choix sembla étrange. Cobham fut reçu courtoisement, mais l’empereur répondit que depuis trois ans aucune communication ne lui avait été faite, et que maintenant il était trop tard, son frère venant de s’engager avec une princesse de Bavière. Ce refus formel fut très mal pris par Elisabeth. « Elle ne put se tenir de dire que l’empereur lui faisoit injure, et que, quand elle le voudroit, elle trouveroit un aussi bon parti. »

Voyons également où en était Catherine.

L’entrevue de Bayonne avait été pour elle une vraie déception : le duc d’Albe et la reine d’Espagne, « devenue toute Espagnole, » n’avaient voulu prêter l’oreille à aucune de ses propositions de mariage, ils avaient exigé avant tout la répression immédiate du protestantisme et son anéantissement ; c’était donc en pure perte que Catherine avait excité la défiance des réformés. La fille aînée de Maximilien, qu’elle désirait pour Charles IX, Philippe II l’avait prise, et tout récemment le roi de Portugal venait de refuser la main de Marguerite de Valois, se disant trop jeune et ne voulant à aucun prix se marier sans l’assentiment du même Philippe II. Le terrain était admirablement préparé pour un rapprochement entre la France et l’Angleterre, qui toutes deux avaient à se plaindre de l’Espagne. Le cardinal de Châtillon et le vidame du même Chartres en jugèrent ainsi, et l’un et l’autre se mirent en campagne. Le vidame de Chartres engagea le premier la négociation avec Cecil et prit pour confident en France le maréchal François de Montmorency, se réservant d’en écrire plus tard à Catherine. Le cardinal, qui avait été longtemps le confident et le conseil de Catherine, s’adressa directement à elle, et en même temps crut devoir en parler à La Mothe-Fénelon, notre nouvel ambassadeur, avec lequel il avait repris, depuis la