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Les yeux fixés sur Calais, Élisabeth guettait l’occasion d’une revanche. En 1567, lors de la conspiration qui fut découverte au Havre, une flotte anglaise était en vue. La connivence d’Élisabeth avec les chefs protestans est certaine ; son appui, ses subsides ne leur firent jamais défaut. Coligny écrivait à Cecil, en 1568 : « Je vous ferois tort si je cherchois à augmenter votre bonne volonté ; ce seroit comme si je voulois ajouter de la chaleur au feu. » Si Élisabeth ne déclara pas ouvertement la guerre à la France, c’est que les premiers revers des protestans l’en détournèrent, mais ses préparatifs étaient faits, comme toutes les lettres de notre ambassadeur à Londres, La Mothe-Fénelon, en témoignent. Dans un message qu’elle fit présenter à Charles IX par sir Henri Norris, son ambassadeur, elle déclarait que, si les persécutions pour cause de religion ne cessaient pas, si l’ordre ne se rétablissait pas, elle interviendrait pour la propre sûreté de ses états. La réponse de Catherine fut digne et fière, et cette fois encore Élisabeth recula ; elle excusa son message sur la sollicitude que devait éprouver la reine sa sœur en voyant la France, qui lui était si chère, divisée entre tant de partis.

La paix de Saint-Germain (août 1570), — également désirée des deux côtés, car la lassitude avait gagné aussi bien les protestans que les catholiques, — mit fin à cette situation. Tant que la guerre avait duré, les chefs protestans avaient eu en Angleterre deux agens pour servir leur cause auprès d’Élisabeth, tous deux remuans et habiles : l’un, c’était le vidame de Chartres, celui qui en 1562 avait livré Le Havre aux Anglais ; l’autre, le cardinal de Châtillon. Les portes de la France leur étaient rouvertes ; à la veille d’y rentrer, tous deux, mais en se cachant l’un de l’autre, car ils se détestaient cordialement, eurent l’idée de proposer à la reine Élisabeth le jeune duc d’Anjou. Elle avait alors trente-sept ans, le duc en avait vingt. Avant de suivre cette négociation entamée en partie double, retournons en arrière et voyons en quels termes Élisabeth était avec l’archiduc Charles. En 1567, sous la pression de Cecil et des lords qui suivaient son parti, elle avait consenti à l’envoi de Sussex à Vienne ; mais irrésolue, comme elle l’était toujours, elle avait longtemps fait attendre les instructions qu’il devait emporter ; ce n’est qu’à la mi-juillet, et pendant que Marie Stuart était encore prisonnière à Loch-Leven qu’elle les avait enfin signées. Sussex arriva à Vienne le 7 août. Sa haute situation, sa réputation établie de loyauté lui permirent d’aplanir rapidement toutes les difficultés, et tout portait à croire qu’il ramènerait l’archiduc à Londres. Cette fois encore et pour la dernière, l’influence de Leicester fut plus forte que celle de Cecil. Élisabeth y céda et introduisit dans sa réponse une clause qui annulait toutes les concessions que Sussex avait faites. Le projet de