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On a souvent pensé que l’Almanach royal était le plus sûr des guides à suivre pour étudier l’ancien régime, et il est permis de prévoir qu’un jour les premiers exemplaires de la collection deviendront un livre classique pour l’étude du XVIIe siècle. Les mémoires des intendans en seront alors le plus éloquent commentaire : là où l’Almanach royal nous donne une liste de noms, le Mémoire nous fournit plusieurs pages. A cela dira-t-on avec Boulainvilliers, que « son ennuyeuse prolixité, ses digressions inutiles, » ses lacunes et ses erreurs dégoûtent d’y recourir? Ces critiques étaient fort exagérées pour les contemporains; pour nous, elles sont absolument inexactes. Beaucoup de digressions, superflues en 1097, sont précieuses aujourd’hui; les lacunes ont été comblées par l’éditeur, et il n’est pas une erreur qui n’ait été relevée avec soin, de telle sorte que le Mémoire, révisé et complété à deux siècles de distance, constitue la description la plus féconde et la plus sûre de la généralité de Paris sous l’ancien régime.

Le chapitre de la justice est un des plus intéressans, non que les détails sur le parlement, la chambre des comptes ou la cour des aides contiennent des révélations inattendues, mais parce que les justices intérieures sont énumérées avec un soin qui permet de reconstituer exactement la carte des justices seigneuriales. Il n’est rien de plus confus, de plus disparate, de plus contradictoire que l’organisation des juridictions appartenant tantôt au roi, tantôt aux seigneurs, ressortissant soit au parlement, soit à un bailliage intermédiaire. La plupart de ces difficultés sont résolues par l’énumération précise des justices de la généralité de Paris, de leur territoire et de leur compétence. Nous connaissons ainsi les principales terres, leur contenance et leurs possesseurs; le Mémoire a soin de nous dire si les propriétaires résident; mais le plus souvent il constate que les gentilshommes, attirés par la proximité de Paris et de Versailles, ne fixent pas leur résidence ordinaire dans leurs domaines. Les laboureurs prennent le même chemin que les courtisans, et chaque village gémit du courant qui entraîne les paysans vers Paris et qui prive de bras les campagnes.

Auprès de ces plaintes dont la banalité est, on le voit, de tous les siècles, rien n’est plus curieux que de retrouver la description de maux que nous ne connaissons plus. L’état des ponts et des routes est une source intarissable de doléances. A travers les énumérations de ce mémoire officiel, on devine les souffrances des populations. Dans la généralité de Paris, plus de cinquante ponts sont en ruines. Le grand chemin de Paris à Melun par Villeneuve-Saint-George est impraticable une partie de l’année. « Le pavé a été commencé ; il faudrait le continuer.» — « Les abords de Coulommiers