Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tel est l’ensemble de questions d’où est sorti le travail colossal des intendans. Nous avons sous les yeux les réponses de la généralité de Paris. Ce n’est pas en si peu de lignes qu’il est possible d’analyser avec quelque intérêt un document qui remplit quatre cents pages in-4o. Nous voulons seulement faire saisir l’économie du travail et en faire ressortir les points principaux. Dès que l’intendant eut reçu le questionnaire adressé par le chef du conseil des finances, gouverneur du duc de Bourgogne, il s’empressa, comme tout bon administrateur qui connaît son métier, de le transmettre à ses subdélégués, en rejetant sur leurs épaules le fardeau des recherches de détails. A Paris, c’est à un trésorier de France, grand-voyer en la généralité de Paris, que fut dévolue la mission de fondre tous les élémens recueillis sur place. Afin de mettre en ordre tant de matériaux divers, il divisa la compilation en quatre chapitres comprenant : 1° l’état ecclésiastique; 2° le gouvernement militaire; 3° la justice, et 4° les finances. Sur la géographie physique, il se montra fort bref, se bornant à une description des rivières et ne répondant pas sur ce point important aux vues du duc de Beauvilliers. D’ailleurs le mémoire, comme tous les travaux de ce genre dus à des plumes diverses, présente une inégalité frappante : tantôt les paragraphes sont longs et vides d’idées, remplis d’un style décousu, tantôt les réflexions en sont vives, serrées et dignes d’attention. M. de Boislisle a patiemment recherché et par d’heureux rapprochemens permis de penser que Vauban, familier de l’intendance, avait mis la main à cette œuvre complexe et fourni parfois un passage ou un aperçu. Si Vauban n’a pas inspiré lui-même certains jugemens, le rédacteur connaissait ses principaux mémoires et ne s’est pas fait faute d’en extraire des passages. D’ailleurs il est prouvé que le maréchal s’est occupé du mémoire de Flandres[1]. Pourquoi douter qu’il ait pris à Paris une part personnelle à un travail qui l’intéressait si vivement? Lorsqu’on lit le passage sur la dépopulation de la généralité, on retrouve le ton de la Dime royale. Les faits sont groupés avec la même fermeté : l’influence des guerres, le poids des impôts, les souffrances des disettes et la sortie des religionnaires hors du royaume sont signalés sans phrases déclamatoires, mais avec une sorte de sévérité d’autant plus implacable qu’elle est plus dénuée de passion. Dans un document officiel, c’est le seul genre de hardiesse qui soit de mise (p. 150, 151).

  1. George Michel, Histoire de Vauban, page 447. Vauban écrivit le 9 mars 1698 à l’intendant de Flandres une lettre qui atteste cette collaboration On ne pourra connaître la part exacte que le maréchal a prise à ce travail, tant que ses héritiers persisteront à cacher à l’histoire les papiers et les correspondances dont ils sont possesseurs. Une telle obstination, en se prolongeant, devient un outrage pour cette grande mémoire dont on ne parait pas se souvenir que la renommée appartient à la France et non à une famille.