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été placée bien en évidence, le 20 mars, dès six heures du matin, les corvettes étaient sous voiles.

Poussées par une belle brise, elles gagnèrent aisément la haute mer et, dans la soirée du 22, on distingua les sommets des îles Snares, connues depuis l’expédition de Vancouver. Le lendemain, on se trouvait près de ces îles, dont la végétation ne se manifeste aux navigateurs que par quelques teintes vertes. Déjà la vigie signalait les hautes terres de l’île Stewart. Durant trois jours, toute l’attention se porta sur la côte orientale de Te-Wahî-Pounamou, côte très variée où se voient tour à tour des mornes élevés, des plages de sable, des terres fertiles que dominent de belles collines et de grandes montagnes. Le 30 mars 1840, l’Astrolabe et la Zélée pénètrent dans le port d’Otago, où reposaient à l’ancre quatre baleiniers. Dès l’aube, la plupart des officiers sont à terre; ils ne sont pas séduits par l’aspect du pays. D’un côté, c’est la plaine de sable, vaste et triste, où se montrent quelques misérables huttes ; de l’autre, le terrain un peu accidenté avec une végétation assez pauvre ; il y a des cabanes sur les mornes escarpés que couronne le cap Saunders, au fond du port une maisonnette de pêcheurs européens. Les indigènes ne tardent pas à envahir les corvettes, et le commandant, qui connaît les Maoris de longue date, constate même en cette partie de la Nouvelle-Zélande l’épouvantable déchéance d’un peuple. Aussi bien qu’à la baie des lies, les anciens guerriers, fiers de leur indépendance, l’air digne sous le manteau de phormium, sont aujourd’hui des êtres, abrutis par les liqueurs fortes, des mendians couverts de haillons. Les femmes se sont entassées sur les ponts ; dans leur malpropreté, elles semblent hideuses. Autour d’Otago, les villages attestent l’absence de toute industrie, la misère, la dégradation humaine; au contact des pêcheurs de baleines et des chasseurs de phoques se sont avilies des peuplades entières. Dans le voisinage des pêcheries, des colons anglais commençaient à bâtir; on remarquait une douzaine d’habitations entourées de jardins. Deux de ces maisonnettes étaient de simples cabarets; — les propriétaires faisaient fortune.

L’expédition française, marchant le cap au nord, atteignit la péninsule de Banks, et l’Astrolabe, après avoir été fort en péril d’être brisée contre une falaise, entrait, le 8 avril, dans la baie d’Akaroa. Il y avait une douzaine de cases bien misérables, habitées surtout par des femmes et des Anglais; près du village se trouvait un pah abandonné. Ainsi, seules quelques femmes échevelées représentaient la tribu d’Akaroa autrefois puissante. De la bouche des colons, on apprit que la baie s’était vue envahie par une tribu du port Dusky, qui avait massacré tous les habitans incapables de fuir. Après le départ des envahisseurs, les gens d’Akaroa s’étaient rassemblés pour