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Le baleinier portugais se trouvait toujours dans le port ; ses opérations n’avaient pas été fructueuses, en ces parages les baleines n’étaient plus très abondantes. A l’endroit où descendent le commandant et les officiers, près de l’embouchure d’une rivière, le terrain est marécageux, presque inabordable. A peu de distance, on atteint la forêt où les arbres, assez espacés, sont tortueux la plupart, avec les troncs couverts de lichens. Au doux chant des philédons[1] se mêlaient les cris perçans de charmantes petites perruches. Partout, on rencontre la tourbe d’une grande épaisseur qui tremble sous les pas. La masse de l’île est formée de roches basaltiques ou de tuf volcanique rougeâtre. De petits cours d’eau rampent dans tous les sens à la surface du sol, s’infiltrent dans la couche de tourbe et maintiennent une extrême humidité.

Durmont d’Urville entreprit une longue course et ne se trouva nullement dédommagé de la peine par les aspects de la contrée. Des officiers prirent place dans les embarcations du navire portugais afin d’assister à la chasse des baleines et des phoques. Un jour le lieutenant Coupvent partit avec le capitaine baleinier pour visiter une grande baie située à une quinzaine de milles du mouillage de l’Astrolabe et de la Zélée. Là, des phoques montraient la tête au-dessus de l’eau ; on se retira au fond d’une jolie crique, près d’une plage de sable que sillonne un petit ruisseau. L’endroit était renommé dans le monde des baleiniers ; les phoques venaient pendant le jour se reposer au milieu des grandes herbes ou dans les petits bois qui bordent la côte. De nombreux foyers attestaient de la part des marins une fréquentation habituelle de ce domaine des amphibies. Autour de la baie, on trouva le rivage couvert d’arbres et de gros blocs de basalte brisés, renversés les uns sur les autres, offrant l’image d’un chaos; vers l’entrée, des roches de plus en plus escarpées, des buissons rabougris qui meurent à peine nés, dit l’explorateur, « indiquant le combat de la puissance végétative du sol contre l’air acerbe et salin de ces rivages. » En ces lieux sans attrait pour les hommes, les cormorans répandus par milliers semblent heureux ; établis sur les rochers les plus abrupts, ils bâtissent leurs nids dans les anfractuosités, regardant l’homme qui passe, sans craindre un danger.

Pendant la station des corvettes françaises aux îles Auckland, il y eut quelques éclaircies, des heures de beau temps; jamais une journée sans pluie; l’air était froid et humide, le sol détrempé. Les naturalistes en promenade, faisant des récoltes, avaient eu peu de plaisir; M. Dumoulin et les matelots employés à l’observatoire jugeaient fort désagréable leur séjour à terre; tout le monde allait quitter ces parages sans le moindre regret. Une inscription ayant

  1. Genre de fauvettes.