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d’une variété de teintes inépuisable qui laissent passer le bout de jambes nerveuses et de pieds bien cambrés. C’est dans ce costume original qu’on voit les femmes de Nazareth défiler autour de la fontaine de la Vierge. Les derniers rayons du soleil couchant se jouent autour de leurs voiles et les revêtent de nuances dorées ; les collines voisines, le toit des maisons, les cactus, les rochers sont également noyés dans une poussière d’or; toute la campagne environnante, éclairée de la même lumière, s’éteint peu à peu; enfin la nuit ensevelit également sous ses ombres et la montagne où Jésus se préparait à sa mission divine et la fontaine où sa mère, mêlée à la foule de ses compagnes, se livrait aux soins vulgaires de la vie.

Le mont Thabor n’est qu’à trois heures environ de Nazareth, mais c’est une excursion assez fatigante à cause de la raideur des pentes de la montagne. Comme tous les sentiers de la Palestine, le sentier qui y conduit regorge de rochers et de cailloux ; néanmoins il est ombragé de chênes verts et d’arbustes dont la végétation luxuriante repose les yeux. On monte dans les bois, au milieu des fleurs. Arrivé au terme de l’ascension, on traverse des ruines d’anciennes fortifications que recouvrent des multitudes de plantes, et l’on se trouve en face d’une église grecque et de quelques établissemens catholiques. Le mont Thabor a été couronné jadis de nombreuses constructions dont il ne reste plus que des débris. On peut y retrouver encore le plan de vieilles basiliques d’une grande richesse. Mais si les archéologues éprouvent un vif plaisir à s’attarder au milieu des pierres, les voyageurs ordinaires sont trop fortement attirés par la vue dont on jouit du mont Thabor pour s’occuper longtemps d’autre chose. C’est la vue de la montagne de Nazareth largement développée dans toutes les directions. Il n’y a nulle part de perspective plus splendide. Je me garderai bien d’essayer d’en donner une idée, car on s’épuise en Galilée à dépeindre les innombrables spectacles qu’une nature d’une variété et d’une perfection infinies présente sans cesse à l’admiration. On comprend sans peine que la tradition ait placé sur le mont Thabor la scène de la transfiguration. Aucun lieu n’était plus propre à lui servir de théâtre. C’est sur ce merveilleux piédestal que Jésus devait pour la première fois se montrer aux hommes sous une forme divine. Il dominait de là tout le pays où sa prédication avait retenti, où sa vie s’était écoulée, tout le pays qui constituait le monde à ses yeux, ou du moins aux yeux des disciples pleins d’ignorance et de simplicité que sa parole avait entraînés. Il était donc naturel qu’il choisît ce point central pour apparaître en maître, en conquérant, en Dieu, aux regards éblouis de ceux qui allaient répandre son enseignement sur les contrées lointaines qu’ils embrassaient du regard. Pierre aurait voulu s’arrêter dans cette