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et en Samarie. À la vérité, on montre encore à Nazareth les fondemens de la maison de Marie ; mais, comme par bonheur et par miracle la maison elle-même a été transportée, ainsi que chacun le sait, à Lorette, il n’en reste que des vestiges sans importance auxquels on ne s’arrête pas longtemps. Ce n’est pas que les personnes très pieuses ne puissent y trouver beaucoup d’objets intéressans, depuis une colonne où se tenait l’ange Gabriel durant l’annonciation jusqu’à la cuisine de la Vierge et l’atelier de saint Joseph ; mais les guides mêmes reconnaissent que tous ces lieux manquent d’authenticité. Il n’y a réellement que trois choses à voir à Nazareth, l’ensemble de la ville, la montagne qui la domine et une fontaine nommée Fontaine de la Vierge, parce qu’on suppose sans invraisemblance que la Vierge a dû souvent y venir avec ses compagnes y puiser l’eau nécessaire à son ménage. Ce qui donne à la ville, prise dans son ensemble, un aspect particulièrement pittoresque, c’est la manière dont elle est gracieusement étagée sur la montagne. Les maisons en sont d’ailleurs assez ordinaires ; elles ressemblent à ces cases sans style qu’on rencontre partout en Palestine ; mais les groupes qu’elles forment, les balcons et les colonnes qui ornent quelques-unes d’entre elles, l’air de propreté et de fraîcheur qu’elles ont presque toutes impriment, à Nazareth un cachet d’élégance qu’aucune autre ville de Palestine ne possède au même degré. Les rues sont étroites, assez sombres, médiocrement entretenues. On y remarque une variété de population qui plaît aux regards. Des Bédouins, armés de longues lances, comme les hommes d’armes du moyen âge, en gravissent les pentes à cheval avec une étonnante dextérité. Les habitans sont doux et fort intelligens. Antonin Martyr observe que les femmes juives, ailleurs dédaigneuses pour les chrétiens, y sont pleines d’affabilité. M. Renan ajoute que les haines religieuses sont moins vives à Nazareth qu’autre part. L’observation est juste appliquée aux rapports des musulmans et des chrétiens ; mais ce fanatisme se montre encore, m’a-t-on affirmé, dans la manière dont on traite les Juifs. Aucun d’eux n’habite Nazareth ; il ne leur est même pas permis d’y séjourner sans imprudence ; ils ne peuvent qu’y passer.

L’horizon de la ville est borné de tous côtés par les pentes des collines au milieu desquelles elle est placée ; mais quelques minutes de marche conduisent sur le plateau qui la domine et dont la vue, si souvent décrite, défie cependant toute description. Le Carmel s’avançant en pointe abrupte sur la mer, les monts Moab avec leurs reflets bleuâtres, le grand Hermon couvert de neige, le Thabor, la plaine d’Esdrelon, le golfe de Koupha, un coin de la vallée de Tibériade, Nazareth, toute la Galilée et une partie de la Samarie, les