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chargés d’oliviers. La terre, retournée par les charrues, était d’une couleur jaune foncé qui faisait admirablement ressortir les costumes bleus et blancs des laboureurs, de leurs femmes et de leurs enfans. Tous ces groupes pittoresques se détachaient vivement sur ce fond un peu sombre. Les Orientaux travaillent avec moins de hâte encore que nos paysans d’Europe ; la solennité de leur démarche, la majesté naturelle de leur allure, la grâce simple de leurs mouve- mens, transforment les scènes d’agriculture en tableaux pleins d’élégance et de force. On se serait cru transporté en pleine Bible, sur le théâtre d’une de ces adorables idylles de Rébecca, du jeune Tobie, ou de Ruth, auprès desquelles pâlissent tous les romans champêtres. La terre ne produit qu’une récolte en Samarie; mais elle est à peine écorchée par la charrue et jamais elle n’est fumée. Un grain y donne une dizaine de pousses d’orge ou de blé. Quant aux fèves, une des richesses du pays, elles rendent cent pour un. Je n’ai jamais vu, même en Égypte, de cultures plus belles que celles de l’immense vallée qui conduit au mont Garizim. A l’époque où je l’ai traversée, c’est-à-dire dans les premiers jours d’avril, les moissons y avaient atteint déjà une hauteur considérable. Les champs de fèves surtout étaient en plein développement. Ils couvraient toute la vallée. De nombreuses femmes et des quantités d’enfans, occupés à la cueillette, rompaient la monotonie de leur verdure sombre par les vives couleurs des costumes les plus variés.

Quand on arrive au pied du mont Garizim, une nouvelle vallée s’ouvre à gauche, entre le mont Garizim et le mont Hébal. C’est là que se trouve Naplouse, l’ancienne Sichem, la capitale religieuse de la Samarie, le centre véritable du royaume juif du Nord. L’aspect de Naplouse est singulièrement pittoresque. On aperçoit d’abord, au milieu d’oliviers gigantesques, de grandes casernes où des soldats turcs font dévotement leur prière; puis, plus loin, un champ de pierres blanchâtres qui brille d’un vif éclat au soleil; c’est le cimetière de la ville, il est adossé au mont Hébal, lequel est couvert, depuis le sommet jusqu’à la base, de plantations de cactus, qu’on prendrait à distance pour des vignes, mais qui, de près, sont bien plus puissantes et bien plus touffues que les vignes les plus vigoureuses. La ville, au contraire, est adossée au mont Garizim. Elle est surmontée de terrasses et de rochers qui s’allient fort bien avec le style de ses grandes maisons, d’une solidité massive, assez semblables à des prisons ou à des citadelles. Quelques dômes, quelques minarets, enfin quelques cimes de palmiers, si rares dans ces régions, dominent ses constructions un peu lourdes. Un mur d’enceinte l’enveloppe de toutes parts. Quand on a traversé ce mur, on se trouve dans des rues étroites, sombres, qui seraient sordides si elles n’étaient