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soin. Plus que tous les-autres, nous aimons à nous occuper de l’éducation des enfans, de l’observation des lois, et nous faisons de la piété qu’elles inspirent la tâche la plus nécessaire de toute notre vie. De plus, notre manière de vivre étant toute particulière, rien dans les temps anciens ne pouvait nous faire contracter avec les Grecs des rapports tels qu’en avaient les Égyptiens, par l’échange avec eux d’objets exportés ou importés. Ceux qui habitent le littoral de la Phénicie s’appliquent par cupidité au trafic et aux affaires commerciales, etc. » Quel contraste entre ce tableau d’une population pastorale, repliée sur elle-même, uniquement occupée du culte de son Dieu et de l’éducation de ses enfans, laissant aux Phéniciens et aux Égyptiens le commerce du monde, ne se mêlant point aux étrangers qu’elle méprise sans les envier, et les mœurs actuelles de la race juive? Elle ne s’est pourtant point modifiée aussi profondément qu’on pourrait le croire ; ne pouvant exercer son insatiable cupidité, ni dans le commerce, ni dans l’usure, interdits l’un et l’autre par la loi, c’est dans l’exploitation du sol qu’elle la dépensait. Les pierres elles-mêmes finissaient par suer des richesses entre les mains d’une race puissamment douée pour l’acquisition de la fortune. Mais les révolutions religieuses et politiques ayant arraché les Juifs à la terre dont ils tiraient des trésors, il a bien fallu qu’ils cherchassent un autre moyen de satisfaire leur soif inextinguible de biens matériels. Avec la souplesse d’une race merveilleusement constituée pour la vie, ils se sont lancés à corps perdu dans les opérations financières et commerciales que leur loi leur interdisait jadis, et ces anciens agriculteurs qui ne connaissaient que leurs charrues sont devenus les premiers banquiers, les premiers industriels, les premiers marchands de l’univers. Leur activité a changé d’exercice, non de caractère.

Ont-ils gagné à ce changement ? La question vaudrait la peine d’être examinée. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les pauvres seuls d’ entre eux reviennent en Palestine; c’est même pour cela que la population juive y est si misérable. On comprendrait néanmoins qu’en dépit des richesses de l’Occident, quelques-uns d’entre eux regrettassent la terre où leurs aïeux récoltaient péniblement de si belles moissons. A mesure qu’on quitte la Judée pour entrer dans la Samarie, le pays change d’aspect ; l’aridité du sol disparait ; les montagnes s’abaissent et deviennent des collines aux formes gracieuses ; les vallons verdoyans et remplis de plantations de figuiers, d’oliviers, d’arbres fruitiers de toute sorte donnent l’idée d’une contrée qui pourrait être des plus riantes, si les abus d’une administration odieuse ne la rendaient pas. stérile. Bethel est à la limite de la région des pierres. Il ne reste aucun vestige de cette ville où se