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prêt à recommencer son apologie, tantôt devant les électeurs, tantôt devant les élèves des collèges. Il réforme tout, les programmes scolaires, les méthodes, l’enseignement classique. Il a inauguré un peu triomphalement, l’autre jour, ce qu’il appelle une « conception moderne, démocratique, » l’enseignement spécial secondaire, et il a assisté à l’oraison funèbre du traditionnel discours latin. Soit, il faut tout changer, tout renouveler ! Il y a seulement une réflexion dont on ne peut se défendre. Ces vieilles méthodes qu’on proclama aujourd’hui surannées ont produit des successions de fortes et brillantes générations. Il s’agit, avant de triompher, de savoir ce que produiront les méthodes nouvelles, si elles seront le progrès, comme on le dit, ou si elles ne sont pas le commencement de la décadence des grandes cultures de l’esprit.

La France a ses élections et ses fêtes académiques ou universitaires d’un jour. L’Angleterre a ses affaires lointaines de l’Afghanistan et du pays des Boers, qu’elle réussit à dénouer avantageusement ; elle a ses affaires intérieures, l’éternel bill agraire d’Irlande, que la chambre des lords discute après la chambre des communes, qui n’est sans doute pas près de le voter définitivement. L’Angleterre a aussi ses diversions imprévues, elle vient d’assister ces jours derniers, avant que le parlement se sépare, à des scènes singulières, presque dramatiques, qui se sont passées au seuil de Westminster, qui se rattachent à l’admission d’un membre des communes, qui réveillent les plus délicates questions de légalité et de foi religieuse. Sous la forme d’un simple incident parlementaire, c’est le problème de la liberté de conscience qui s’agite, c’est le conflit flagrant des plus vieilles traditions anglaises et de l’esprit nouveau. Il s’agit de ce député libre-penseur ou athée, M. Bradlaugh, qui a été élu, il y a quelque temps, à Northampton et qui s’est mis en lutte contre le parlement. Le jour où il s’est présenté pour la première fois à Westminster, il a refusé de prêter le serment légal, sous prétexte que ce serment contenait des formules religieuses contraires à ses convictions, et il a été exclu. Il s’est même produit un incident bizarre qui ne s’explique que par la législation et les mœurs britanniques. Le député de Northampton ayant continué à siéger par tolérance ou par subterfuge a été l’objet d’une poursuite intentée par un simple citoyen anglais devant les tribunaux, et il a été bel et bien condamné pour usurpation de droits, pour avoir voté sans titre légal. Il a été réduit à donner sa démission et à se faire réélire. Lors qu’après une seconde élection, pour en finir, M. Bradlaugh a consenti à prêter le serment exigé, la chambre des communes, se souvenant de son premier refus, n’a plus voulu l’admettre ; elle a maintenu l’exclusion, et c’est là que la question s’est aggravée. M. Bradlaugh a entrepris de forcer rentra du parlement le speaker a employé les sergens d’armes pour