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reçu dans le courant de l’année deux avertissemens dont il tenait compte. La mort n’effrayait guère ce solide vieillard ; tout son souci était que son fils ne fût pas mûr pour les responsabilités prêtes à peser sur lui.

Lord Athelstone poussa un soupir d’inquiétude et de regret ; il avait lu ses premières lettres tout en vaquant à sa toilette, puis avait fini par s’asseoir, car il se sentait un peu étourdi. Renversé à demi-vêtu dans son fauteuil, il vit tout à coup qu’il avait oublié de décacheter ce qui lui semblait être une note de marchand. Sans se presser, il ouvrit l’enveloppe. En dépit de ses fleurons, l’écriture était très lisible et pourtant lord Athelstone resta plusieurs minutes sans réussir à comprendre :


« Mylord,

« J’ai été témoin aujourd’hui dans vos bois d’une scène qui me décide à vous écrire, il faut que vous soyez instruit de l’infâme conduite de votre fils à l’égard de la sous-maitresse de votre école paroissiale, Mlle Nellie Dawson. Il fait ce qu’il peut pour la séduire, et il y réussira si vous ne l’en empêchez pas. Vous pouvez les séparer, sinon vous vous en repentirez, vous et les vôtres. Et il ne s’agit pas du scandale seulement, mylord, j’ai fait un serment ; si cette fille, qui est ma cousine, est déshonorée, je tuerai votre fils comme un chien. Et je vous avertis en me disant l’obéissant serviteur de votre seigneurie.


« SAMUEL DAWSON. »


On ne sut jamais ce qui se passa chez lord Athelstone. Son valet de chambre entendit du bruit, accourut aussitôt, et le trouva gisant au milieu de la chambre. Personne ne put découvrir de cause à cette attaque. Les lettres avaient été jetées pêle-mêle dans un tiroir, et ce ne fut que bien longtemps après que les menaces de Sam tombèrent sous les yeux de Wilfred.

D’abord le docteur ne parut pas très effrayé ; c’était un léger accident apoplectique semblable à celui qu’avait eu déjà sa seigneurie. Néanmoins un médecin de Londres fut appelé par dépêche et, moyennant quatre-vingts guinées, prescrivit un repos complet physique et moral. Pour le moment, il n’était pas difficile de suivre l’ordonnance, lord Athelstone demeurant dans une sorte de léthargie. Sa femme et son fils ne le quittaient pas. Vers le quatrième jour, un mieux notable se produisit, et Wilfred en reconduisant le docteur, qui lui donnait beaucoup d’espoir, songea tout à coup à lui demander s’il avait vu Nellie Dawson.