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Stuart d’épouser son favori, lui promettant, si elle y consentait, de la désigner pour son héritière ? C’est qu’en réalité ce n’était qu’un moyen de barrer le chemin à d’autres prétendans ; mais elle ne le lui aurait jamais cédé. Randolph, son ambassadeur en Écosse, ne s’y était pas trompé : « Quand bien même la reine Marie, écrivait-il à Cecil, serait disposée à oublier sa dignité au point d’écouter cette proposition, il resterait une plus grande difficulté : Sa Majesté voudrait-elle se séparer de Leicester ? » Elle avait avoué à de Foix qu’elle ne pouvait laisser passer un jour sans le voir au moins une fois. « C’était son petit chien ; dès qu’il entrait quelque part, on disait qu’elle allait venir. »

Marie Stuart ayant un instant paru prêter l’oreille plus sérieusement à l’offre de Leicester, Elisabeth en prit sur-le-champ ombrage, et ce fut elle, Cecil le dit, qui encouragea et favorisa secrètement le départ de Darnley pour l’Écosse, comptant sur le charme de ce gentil étourneau, ainsi qu’elle l’appelait, dont Marie Stuart en effet ne sut pas se défendre. Melvil et Castelnau de Mauvissière, notre envoyé en Écosse, l’affirment également. En fait de dissimulation, Elisabeth n’avait donc rien à envier à Catherine. Quelques jours après le départ de Darnley pour l’Écosse, de Foix la trouvant qui jouait aux échecs dans une grande galerie, lui dit, entre autres propos, qu’à ce jeu-là la perte d’un pion entraînait souvent celle de la partie, oc Cela est vrai, répondit-elle ironiquement, Darnley n’est qu’un pion, mais il pourra bien faire mat la reine d’Écosse. » Et elle affecta de se plaindre de lady Lennox, la mère de Darnley, « se promettant de lui faire du pire qu’elle pourroit, ainsi qu’à son fils. » De Foix en profita pour lui dire qu’il n’y avait rien en Écosse que l’on redoutât plus que son mariage avec Charles IX. Lethington, l’envoyé de Marie, durant son séjour à Londres, avait tenu les pires propos pour le faire trouver mauvais. Elle avait sous sa main un véritable bouclier ; pourquoi ne le prenait-elle pas ? — Elle répondit qu’elle ne se sentait pas digne d’un semblable bien. Sa décision était bien arrêtée, elle n’avait jamais voulu de Charles IX, elle n’en voulait pas davantage ; mais vis-à-vis de Catherine, il lui répugnait de se donner le grief d’un refus, il fallait en rejeter la responsabilité sur ses conseillers ; c’était sa manière de procéder.

Elle invita donc Paul de Foix à se rendre, le 12 juin, à Westminster, pour assister à la séance du conseil : il y trouva réunis Leicester, le grand chambellan Howard, Cecil, le marquis de Northampton. Cecil par la le premier et demanda à de Foix ce qu’il avait à leur proposer ; — De Foix répondit qu’il n’avait rien à proposer, qu’il n’était venu que pour entendre leurs objections et y répondre. Alors Northampton, au nom de tous, prit la parole, La principale difficulté qu’il