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temps en Angleterre. La troisième difficulté, c’était le mécontentement du peuple et de la noblesse, que la reine semblait redouter ; mais réunies, les deux nations seraient si fortes qu’aucun trouble n’était à craindre, que pas un souverain n’oserait aller contre. Smith lui fit observer que ses instructions très limitées ne lui permettaient pas de répondra. « Si le roi avait trois ou quatre ans de plus, ajouta-t-il, s’il avait vu la reine et si vraiment il avait de l’amour pour elle, je m’étonnerais moins de cet empressement. — Mais, en vérité, je l’aime, s’écria vivement le jeune roi. — À votre âge, lui répondit Smith, on ignore encore ce que c’est que l’amour ; mais bientôt ; vous passerez par là ; c’est bien la chose du monde la plus folle, la plus impatiente et la moins respectueuse qu’il se puisse. » À ces mots, le roi rougit et Catherine répondit pour lui : « Ce n’est point un fol amour. — J’en conviens, reprit Smith, mais c’est parce qu’il doit reposer sur de sérieuses raisons, de grandes et dignes considérations qu’il ne faut s’y engager qu’après de mûres délibérations. » Pour atténuer ces dernières paroles, il dit que la reine, jusqu’à ce qu’elle eût pris une détermination définitive, ne prêterait l’oreille à aucune autre proposition, mais qu’elle entendait rester libre de dire oui ou non. En donnant congé à Smith, Catherine insista pour qu’on abrégeât le délai de la réponse, car le roi comptait être à Bayonne le 12 mai. Smith se rejeta, sur la longueur de la distance et sur le désir exprimé par Elisabeth de consulter les chefs de sa noblesse. Catherine lui dit que, d’après ce que lui avait mandé Paul de Foix, elle les aurait tous sous sa main le 23 avril, jour de la fête de Saint-George. L’entretien en resta là, mais le lendemain, pour répondre à l’objection de Smith sur l’âge du roi, elle lui opposa l’exemple de Cecil, qui avait eu un fils à l’âge de quinze ou seize ans.

Le secrétaire de Paul de Foix arriva à Londres le 20 avril ; il apportait une lettre de Catherine ; Paul de Foix alla sur-le-champ la mettre sous les yeux d’Elisabeth. Catherine, dans sa lettre, rappelait qu’il lui serait bien difficile d’attendre plus longtemps la décision d’Elisabeth, car sans aucun doute des propositions de mariage pour le jeune roi seraient faites à Bayonne et, pour les écarter, il faudrait avoir quelques bonnes raisons à alléguer. Si la reine lui faisait connaître ses intentions, elle ne tiendrait aucun compte de tous les avantages qui lui seraient offerts ailleurs. À « cette mise en demeure Elisabeth ne répondit que par de banales protestations d’amitié. Paul de Foix se plaignant de ce qu’elle ne s’en était encore ouverte qu’à Norfolk, ; elle s’excusa sur le retard de la fête de Saint-George, remise à huit jours ; la cérémonie passée, elle promit d’en parler à.ses principaux conseillers., De Foix, insistant pour avoir une réponse avant le 12 mai, elle se plaignit à son tour de ce que