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moitié, que j’ai pris d’elle tant de sentimens, tant d’idées, un tour d’esprit particulier et la façon dont je juge les choses, des qualités dont je suis fier, des défauts auxquels je tiens autant qu’à mes qualités, qu’enfin je suis presque aussi Romain que Gaulois, j’avoue que, malgré les efforts de Voltaire, il ne m’est pas possible de m’irriter contre César et que la défaite de nos aïeux ne me paraît pas être de celles qu’on doit beaucoup déplorer.

L’ornement principal de la treizième salle est le grand plan en relief qui représente le plateau d’Alise-Sainte-Reine et les collines qui l’entourent : c’est là que se passa la dernière scène et la plus dramatique de cette grande lutte. On y verra le tracé des lignes de circonvallation, par lesquelles César enferma l’ennemi dans Alise, et celles de contrevallation qui devaient le protéger contre les attaques d’un ennemi extérieur ; il avait prévu le cas, qui ne manqua pas d’arriver, où il pourrait être à la fois assiégeant et assiégé. Il a été facile de retrouver tous ces fossés, car l’expérience prouve que les terres une fois remuées se reconnaissent aisément et qu’elles ne se relient jamais tout à fait aux terres vierges qui les encadrent. On a représenté sur le plan toutes les inventions habiles que César a décrites et par lesquelles il essaya de suppléer au nombre qui lui faisait défaut. On y voit ces trous dissimulés par des branches d’arbres, dans lesquels les hommes et les chevaux devaient tomber, ces poutres pointues, ces pieux durcis, ces hameçons de fer, nommés stimuli, qu’on enfonçait dans des piquets de bois et qui devaient rendre si difficile à la cavalerie l’accès des fossés. De cette façon, toute manœuvre secrète et rapide était impossible, et César, qui se gardait bien et ne perdait pas l’ennemi de vue, avait toujours le temps de se porter avec ses troupes sur l’endroit menacé. Cinq de ces stimuli étaient restés sur le sol d’Alise ; ils ont été portés au musée de Saint-Germain. On y a recueilli aussi des épées, des javelots, des boucliers, une coupe d’argent d’un travail délicat, ornée d’une guirlande de feuillage et de baies en relief, qui a dû appartenir sans doute à quelqu’un de ces élégans de Rome que César aimait à s’attacher et qui allaient servir en Gaule avec lui, des monnaies romaines, dont aucune ne dépasse l’an 702, où Alise fut prise, des monnaies gauloises, antérieures aussi à l’époque du siège, et dont l’une porte l’image de Vercingétorix. Tous ces restes précieux sont conservés dans les vitrines du musée, autour du plan d’Alise.

Ce qui n’y est pas, ce que j’y voudrais voir, c’est un soldat gaulois, qu’on placerait en face du légionnaire romain. Il serait aisé d’en avoir une image fidèle. On prendrait pour l’ensemble et l’essentiel la statue trouvée à Mondragon, dont le musée de Saint-Germain possède un moulage. Ce soldat de haute taille, qui s’appuie sur son