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Rome, étudient avec soin les moindres débris[1] ; car il reste quelque chose de ces villages, qui ont disparu depuis tant de siècles : par la trappe dont parle Hérodote, les gens qui habitaient ces huttes en branchage ou en paille précipitaient dans le lac ou sur le sol les ordures de leurs cabanes et les débris de leurs repas. Ces détritus informes, la science les recueille, les analyse, les recompose, et elle y trouve de précieuses indications sur la manière dont vivaient ces anciens peuples. On peut voir au musée de Saint-Germain, dans la quatrième salle, quelques-uns des objets qu’on en a tirés. Ce sont des ossemens d’animaux, des végétaux à demi carbonisés, des graines, des fragmens de poteries, des étoffes, etc. Ces restes nous apprennent que les habitans des stations lacustres connaissaient le chien, le cheval, le porc, le mouton, la chèvre, le bœuf, c’est-à-dire les principaux animaux domestiques, et de plus le chevreuil, le daim et le cerf ; qu’ils récoltaient le froment, l’orge, l’avoine et quelques-uns des fruits les plus appréciés de nos jours. Les biens qu’ils possédaient, ils étaient naturellement forcés de les défendre, et parmi ces débris de toute sorte, les fragmens d’arbres brisés ne manquent pas. Comme ces armes ressemblent tout à fait à celles qui se trouvent dans les dolmens, on en a conclu avec beaucoup de vraisemblance que les dolmens et les stations lacustres représentent la même civilisation et devaient exister à la même époque.

Nous voici venus enfin, avec la cinquième salle et les suivantes, dans la dernière période de ce monde primitif. Nous sommes à l’âge des métaux. Le bronze se rencontre déjà dans les derniers dolmens, dans les stations lacustres les plus récentes. Cependant M. AL Bertrand ne pense pas qu’il y ait eu chez nous un âge du bronze aussi caractérisé, aussi important qu’ailleurs. Dans les pays du Nord, il s’est prolongé fort longtemps et il y a laissé des traces considérables[2]. Il ne semble avoir été dans la Gaule qu’une époque de transition qui ne dura guère. Le fer y paraît presque en même temps que le bronze, et, avec le fer, nous touchons aux origines véritables de notre civilisation actuelle. Les temps préhistoriques sont finis ; l’époque moderne commence.

C’est à partir de la sixième salle que nous quittons définitivement ces siècles incertains, obscurs, presque vides, et qu’on a trop souvent, pour les remplir, peuplés d’hypothèses. Si la lumière qui nous guide n’est pas encore aussi claire et aussi pleine que nous le

  1. On peut lire, sur ce sujet, l’ouvrage intéressant de M. Helbig intitulé : Die Italiker m der Poebene. C’est le début d’une série de travaux qu’il nous promet sur l’histoire de la civilisation et de l’art dans la haute antiquité italienne.
  2. Tandis que tous les musées réunis de France et de Belgique ne possèdent pas plus de vingt-cinq épées de bronze, il y en a plus de sept cents dans celui de Copenhague.