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été confirmée par de nouvelles découvertes. Ce qui est sûr, c’est qu’une fois établies dans ces contrées, ces populations s’y sont longtemps maintenues ; venues à une époque où l’homme ne connaissait encore que les haches ou les lances à pointes de silex, elles continuaient à bâtir leurs vastes sépultures de pierre quand commençait à luire sur le monde l’aurore d’une nouvelle civilisation. Dans les dolmens les plus récens on a trouvé du bronze et même, quoique très rarement du fer.

Si nous n’avions que les dolmens, nous ne connaîtrions qu’imparfaitement cette société obscure ; heureusement d’autres découvertes fort imprévues, très curieuses, nous ont conservé d’elle quelques souvenirs plus précis. En 1854, les eaux du lac de Zurich ayant beaucoup baissé laissèrent voir des pieux fortement enfoncés dans le sol, entre lesquels on remarquait un amas de débris de toute sorte. On conjectura vite que ces pilotis avaient porté des cabanes et que ces cabanes formaient des villages bâtis sur les eaux. Ces habitations lacustres n’étaient pas inconnues de l’antiquité ; dans un passage célèbre, Hérodote les décrit nettement. Il dit en parlant des Pœoniens du lac Prasias : « Voici comment leurs demeures sont construites : sur des pieux élevés qui plongent dans le lac on a posé des planches jointes ensemble ; un pont étroit est le seul passage qui y conduise. Les habitans plantaient autrefois ces pilotis à frais communs ; mais, dans la suite, il fut réglé qu’on en apporterait trois du mont Orbelus à chaque femme que l’on épouserait : la pluralité des femmes est permise en ce pays. Ils ont chacun sur ces planches leur cabane avec une trappe bien jointe qui s’ouvre sur le lac, et dans la crainte que leurs enfans ne tombent par cette ouverture, ils les attachent par le pied avec une corde. En place de foin, ils donnent du poisson aux chevaux et aux bêtes de somme : il est si abondant dans ce lac qu’en y descendant par la trappe un panier, on le relève peu après rempli de poissons. » En Gaule, comme en Thessalie, ce genre d’habitations parut offrir aux gens qui vivaient dans le voisinage des lacs un moyen commode de se protéger contre les surprises des bêtes et les attaques de l’ennemi. Le soir venu, quand ils avaient été la planche ou remisé la barque qui les reliaient au rivage, ils dormaient tranquilles. On a quelquefois même usé de ce moyen primitif sur la terre ferme quand on était dans le voisinage d’un fleuve qui pouvait inonder le pays tout d’un coup pendant la nuit, ou simplement pour se soustraire à l’humidité d’un sol fiévreux. C’est ainsi que, dans l’Italie du Nord, au-dessus de ces terrains qu’on appelle terremare, les anciens habitans avaient construit des villages sur pilotis dont aujourd’hui les archéologues italiens et avec eux M. Helbig, le savant secrétaire de l’Institut archéologique de