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a été l’objet d’engoûmens irréfléchis et de violentes attaques. Il faut avouer que quelques-uns des reproches qu’on lui adresse sont fondés : elle a voulu souvent marcher trop vite et tirer des conséquences trop générales de quelques découvertes imparfaitement étudiées. Elle a été possédée de la manie de faire du premier coup une science complète et s’est pressée de créer des divisions et des subdivisions dans cette vieille histoire dont on ne sait presque rien : ces âges de la pierre brute et de la pierre polie, du bronze, du fer, par lesquels ont passé certains peuples, sont devenus comme des périodes géologiques qu’on applique, ou plutôt qu’on impose à tous les peuples du monde. « Il peut y avoir en géologie, dit très bien M. Al. Bertrand, une loi immuable pour la succession des terrains de toute l’écorce du globe, terrains primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires ; il n’existe point de loi semblable applicable aux agglomérations humaines, à la succession des couches de la civilisation. Assurer que toutes les races ont passé nécessairement par les mêmes phases de développement et parcouru toute la série des états sociaux que la théorie veut leur imposer, serait une très grave erreur. » Malheureusement, cette erreur a été souvent commise. De plus, on a prétendu établir des élémens de chronologie dans une antiquité où il n’est pas possible de mesurer le temps. Après l’avoir divisée en différens âges, on a séparé entre eux ces âges divers par des milliers d’années, entassant les siècles à plaisir dans un intérêt de polémique religieuse, ou simplement pour accroître l’importance des résultats auxquels on arrivait. Il est naturel que toutes ces témérités aient rendu les gens sages un peu défians. Mais il ne faut pas non plus aller trop loin. Tout en se tenant en garde contre les généralisations prématurées des faiseurs de systèmes, il est impossible. de nier ce que nous devons à l’archéologie préhistorique. C’est jusqu’ici dans le nord de l’Europe qu’elle a fait le plus de progrès. Un des maîtres de la science nouvelle, l’illustre Danois, M. Worsaae, a fait justement remarquer qu’il était naturel que, dans un pays où les lueurs de l’histoire sont si tardives et si faibles, on éprouvât le besoin de s’éclairer par d’autres moyens. « Ce que les côtes de la Méditerranée, dit-il, avaient été pour l’archéologie classique, le rives du Kattégat et de la Baltique devaient l’être, à un moindre degré, pour l’archéologie préhistorique en général. » C’est là qu’on s’est occupé d’abord de fouiller les innombrables tumuli qui couvrent le sol, qu’on a soigneusement étudié les pierres debout, les pierres runiques et les autres monumens de ce passé mystérieux. C’est là qu’on a réuni les premières collections d’objets trouvés dans ces monumens. Les musées d’antiquités nationales de Stockholm, de Copenhague, ont