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des vides à remplir, le plus fort est fait. On peut dire que le musée des antiquités nationales existe, et que celui qui parcourt les quinze ou vingt salles dont il se compose fait une revue rapide et complète de notre ancienne histoire depuis les temps les plus reculés jusqu’au commencement dm moyen âge.


I

Où commence véritablement l’histoire de France ? — Il y a cinquante ans, on n’aurait pas été embarrassé pour répondre à cette question. La Gaule n’existait alors pour un historien qu’à partir du moment où elle entrait en lutte avec Rome. Au-delà de ce que César raconte, des Gaulois, nos aïeux, on ne savait rien, on ne voulait rien savoir ; c’était la nuit, et personne ne songeait à s’aventurer dans ces ténèbres. Nous sommes devenus plus braves ou plus curieux. Ce sera certainement une des gloires de notre époque la plus grande peut-être, d’avoir reculé les souvenirs de l’humanité et ajouté un grand nombre de siècles à l’histoire. La philologie a commencé cette conquête du passé. Par la comparaison des langues les plus anciennes, elle est parvenue à établir la parenté des peuples qui les parlaient. Elle les a montrés d’abord réunis, puis s’isolant peu à peu les uns des autres. En rassemblant les termes qui sont communs aux divers idiomes détachés d’une même souche, elle a fait voir à quel degré de civilisation ces peuples étaient arrivés, pendant qu’ils vivaient ensemble, quel genre de vie ils menaient et ce que chacun d’eux a gagné depuis qu’ils se sont séparés. C’était beaucoup ; on a voulu ailler plus loin. Il était probable que ces populations primitives, dont la philologie atteste l’existence, avaient laissé quelques traces de leur séjour sur ce sol qu’elles occupèrent si longtemps. A force d’investigations patientes, on a fini par les trouver, et pour réunir, pour interpréter, pour faire comprendre ce qui reste de ces temps obscurs, une science nouvelle s’est formée, l’archéologie préhistorique. Ces débris quelle recueille, qu’elle classe sont souvent fort misérables ; ils consistent en pierres grossièrement travaillées, en ossemens, en détritus informes, et l’on comprend que les amis de l’archéologie classique, qui passent leur vie à étudier des fragmens de statues ou de bas-reliefs admirables, soient disposés à plaindre les pauvres chercheurs de vieux cailloux, leurs humbles confrères, et à se moquer d’eux. Ils ont tort de rire : ces chercheurs de cailloux peuvent faire une œuvre ingrate ; il est certain qu’ils ne font pas une œuvre inutile.

L’archéologie préhistorique date à peine chez nous d’une trentaine d’années ; c’est donc une science très jeune et encore font peu expérimentée. Comme tout ce qui débute avec un certain éclat, elle