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de bénéfices plus élevés. On la trouva d’abord dans la négociation des fonds étrangers qu’on introduisit en quantité considérable sous prétexte de conversion, d’unification des dettes anciennes, ou d’émissions nouvelles, on vit paraître sur le marché français, à titre d’emprunteurs, presque tous les états du monde : ceux qui avaient un droit légitime à la confiance du public comme les plus besogneux et les plus mal famés : la Suède, la Norvège, le Canada, la Russie, qui n’a point réussi à contracter un emprunt temporaire à l’intérieur, l’Autriche, dont les appels au crédit sont périodiques, la Hongrie, dont les finances sont désorganisées par la ruineuse occupation de la Bosnie, la Grèce, dont l’impuissance à servir l’intérêt de sa dette est manifeste, le Brésil, qui a irréparablement compromis ses finances, jadis excellentes, par des entreprises hors de proportion avec ses forces et par des garanties d’intérêts qui l’épuisent, divers états de l’Amérique du Sud, exclus des négociations à la bourse de Londres, à raison de leur insolvabilité constatée, tous ont trouvé en France des acquéreurs pour leurs titres et des souscripteurs a leurs emprunts.

On a offert ensuite au public français toute sorte d’obligations de chemins de fer ou de canaux, garanties par les mêmes gouvernemens étrangers qui avaient déjà apparu sur notre marché comme emprunteurs pour leur propre compte. Puis on s’est engoué des assurances : les années 1879 et 1880 ont vu naître quatorze compagnies d’assurances contre l’incendie, dont le capital réuni représente 210 millions. Presque toutes ces compagnies ont immédiatement donné naissance à un premier enfant sous la forme d’une compagnie d’assurances sur la vie, puis à un second qui a été une compagnie d’assurances contre la grêle, puis à un troisième qui a été une compagnie d’assurances contre les accidens ou sur les transports. La vogue des assurances épuisée, le tour des compagnies de gaz et des compagnies d’eau est venu. Quand on a eu éclairé et arrosé toutes les villes d’Europe et quelques villes d’Asie et d’Afrique, on a mis en société des mines d’or, d’argent, de plomb, de cuivre, de fer, des charbonnages étrangers, des gisemens de plâtre, d’ardoises, de phosphates, en assez grand nombre pour qu’il soit possible de faire un cours de minéralogie avec la cote de la Bourse de Paris. Les établissemens thermaux, les casinos, les brasseries, les hôtels garnis, voire même les restaurans ont donné lieu à des émissions d’actions et d’obligations. La terre paraissant épuisée, on s’est tourné vers la mer : les compagnies pour la pêche côtière ou lointaine, pour la grande ou la petite navigation, pour les transports à vapeur, pour les arméniens ou les assurances maritimes ont fait de nombreux appels au public et couvert les murs de leurs affiches concurrentes.