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même résultat serait obtenu aussi sûrement et avec plus de promptitude par l’application directe à l’amortissement des 7 ou 8 pour 100 que représente annuellement la prime. En effet, l’état rembourse la rente amortissable au pair de 100 francs, et d’ici longtemps, le 3 pour 100 perpétuel peut être acheté au-dessous du pair. D’ailleurs, pour être réel, l’amortissement suppose la cessation de tout emprunt nouveau. Si, en même temps que vous consacrez 10 millions à l’amortissement d’une série d’obligations de la rente amortissable, vous êtes obligé d’emprunter 10 millions de plus pour faire face aux besoins de l’exercice, il est manifeste que vous n’avez pas amorti : vous avez fait un simple renouvellement. Le gouvernement de juillet avait reconnu, il y a déjà près d’un demi-siècle, ce qu’il y avait de puéril à rembourser d’une main pendant qu’on empruntait de l’autre, et il fit acte de bon sens en suspendant l’amortissement. L’extinction de la dette par les tirages au sort des obligations amortissables ne sera également qu’une illusion tant qu’on ne s’abstiendra pas d’emprunts nouveaux.

Toute l’habileté des financiers les plus consommés est impuissante à trouver un autre moyen de réduire la dette et d’alléger les charges d’un pays que d’avoir un excédent régulier des recettes sur les dépenses : aucun expédient, aucune combinaison ne peut suppléer à cette inexorable nécessité. Il est à désirer que la législature qui va sortir des élections prochaines porte son attention la plus sérieuse sur nos finances et qu’elle s’occupe d’y rétablir l’ordre et la clarté. Elle n’y pourra parvenir sûrement qu’à la condition de supprimer le budget extraordinaire et le mode d’emprunt onéreux qui alimente ce budget. Elle fera un acte de sagesse et de patriotisme en mettant résolument le pays en face des besoins du trésor et en demandant à la nation, si elle veut donner un développement démesuré aux travaux publics, de s’imposer les sacrifices nécessaires à l’exécution de ce programme.

Elle aura un autre devoir, celui d’arrêter la progression constante des dépenses et la multiplication des emplois. La France menace de plus en plus de devenir une nation de fonctionnaires où la moitié de la nation travaillera pour nourrir l’autre moitié. Pareil spectacle ne s’est vu nulle part, depuis les derniers temps de l’empire romain, qui tomba parce qu’un jour l’agriculture et l’industrie du monde civilisé se trouvèrent impuissantes à faire vivre la bureaucratie impériale. En toute chose on vise à substituer l’action de l’état à celle des particuliers ; on veut préposer à toutes les formes de l’activité sociale un ordre nouveau de fonctionnaires. Quant aux administrations déjà existantes, leur cadre va toujours s’élargissant. Tout ministre qui arrive a des protégés à placer : on s’empresse