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d’amortissement aussi considérable auraient servi, ainsi que les plus-values des recettes, à alléger par des dégrèvemens successifs le fardeau des contribuables.

On ne peut adresser que des éloges à ce plan, inspiré par l’exemple des États-Unis qui, au lendemain de leurs discordes civiles, n’ont pas hésité à maintenir tous les impôts de guerre afin d’avoir un excédent de recettes considérable et de l’appliquer à la réduction de la dette nationale. Malheureusement, on ne tarda pas à s’écarter de ce plan si sage. Il comprenait deux points essentiels : le maintien d’un équilibre rigoureux entre les recettes et les dépenses et la cessation de tout emprunt direct ou indirect. Pour atteindre ce double résultat, il aurait fallu maintenir rigoureusement des impôts impopulaires et demander au patriotisme de l’assemblée nationale quelques taxes nouvelles pour suppléer au rendement insuffisant de celles qu’on avait établies. On ne se sentit point la résolution nécessaire et l’on entra presque immédiatement dans la voie des expédiens de trésorerie.

On commença par réduire de 50 millions les remboursemens à faire à la Banque : on avait donc 50 millions de moins à demander aux recettes, et l’on s’en autorisa pour abandonner quelques petites taxes et pour en diminuer quelques autres. On peut même dire que le dernier remboursement à la Banque ne fut opéré que par un simple jeu d’écritures, au moyen de la convention qui, en échange de l’exemption du timbre accordée à ses billets, impose à la Banque l’obligation de porter de 60 millions à 140 l’avance de fonds qu’elle était tenue de faire gratuitement au trésor. Une mesure qui avait pour objet apparent de constituer au profit du trésor un fonds de roulement gratuit fut transformée en une recette, puisqu’elle servit à équilibrer le budget de l’exercice dans lequel l’avance supplémentaire fut mise à la disposition du ministre des finances. La soulte demandée aux porteurs de l’emprunt Morgan, lors de la conversion, et qui n’était qu’un emprunt déguisé, fut également transformée en une recette et servit à équilibrer un autre budget.

Quel fut le résultat de ces budgets artificiels dans lesquels des recettes factices compensaient le produit des impôts qu’on renonçait à faire voter et de ceux qu’on abandonnait ? C’est qu’on n’obtint jamais les 200 millions d’excédens de recettes que M. Thiers avait jugés indispensables pour donner à nos finances une assiette solide et préparer la réduction et la conversion de la dette. Le produit le plus élevé fut obtenu dans l’exercice 1875, qui donna un excédent de recettes de 111 millions. Sur cette somme, 25 millions seulement, employés à parfaire un paiement à la Banque, reçurent l’affectation que M. Thiers aurait voulu donner à tous les excédens de recettes : le surplus fut appliqué à défrayer, dans les