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MARCO


PREMIÈRE PARTIE

I.

Il avait quinze ans, elle quatorze ; elle était bien plus grande et plus forte que lui, plus avancée aussi ; non en raison ni en savoir, mais en curiosités dangereuses. Elle avait l’instinct du mal, et cet instinct croissait et se développait puissamment, comme elle.

C’était une belle fille, Alice : brune, la lèvre épaisse, le regard indécis, flottant entre l’audace et l’ingénuité, la peau dorée, veloutée, avec des blancheurs de clair de lune. Elle ondulait déjà et balançait sa hanche arrondie, bien qu’elle portât encore des robes courtes qui laissaient voir une jambe et un pied d’une rare perfection. Sa mère feignait d’oublier qu’il était temps de rallonger ses jupes, et la petite paraissait n’y point songer. Marco, le compagnon d’Alice, était blond comme un chérubin. Nés dans le voisinage l’un de l’autre, ils partagèrent souvent le même berceau, que les deux mères veillaient ensemble. Ils se battirent, se roulèrent, enlacés, gigotant, se mordant à pleine petite bouche rose et se faisant rire du chatouillement de leurs baisers. Dès qu’ils purent bégayer, on leur apprit à s’appeler « petit mari » et « petite femme. »

Aujourd’hui elle se sentait devenir femme. Alice faisait de la