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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE
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La liquidation de juin a été plus dure encore pour la spéculation à la hausse que celle des mois précédons. Mais cette fois au moins la leçon n’a pas été perdue et la tension exagérée des reports a eu pour conséquence presque immédiate une baisse considérable de toutes les valeurs sur lesquelles l’impossibilité de conserver plus longtemps les engagemens à terme était devenue évidente.

La réaction ne s’est pas produite avec violence ; il n’y a eu ni désarroi ni panique. Les syndicats, qui s’étaient constitués en vue de pousser à des cours de plus en plus élevés les meilleures et les plus estimées parmi les valeurs de la cote ont simplement reconnu l’inutilité d’une plus longue résistance aux exigences des capitaux reporteurs. L’argent était en mesure de dicter la loi au papier ; le papier a dû reculer. On a baissé en quelque sorte en vertu d’une loi mathématique, avec méthode, par étapes régulières, et le mouvement qui s’est produit pendant cette quinzaine n’a absolument rien de commun avec le fameux krach tant de fois prédit par les pessimistes de parti-pris.

Que l’on calcule les bénéfices énormes qu’ont réalisés les spéculateurs à la hausse depuis des mois et des années, et l’on verra que, depuis le 1er juin, même après une baisse très importante, ces mêmes spéculateurs n’ont encore abandonné qu’une faible partie de ces bénéfices. Nous ne parlons pas, bien entendu, des acheteurs de la dernière heure ; victimes de leur imprudence, ceux-là paient les frais d’une aventure qui ne porte aucune atteinte sérieuse à la solidité du marché.

On peut croire cependant que la spéculation à la hausse ne comptait se dégager ni avec une telle précipitation, ni en payant un tribut aussi élevé aux revendications impitoyables de l’argent. Les circonstances ont forcé la main aux syndicats en leur imposant comme une nécessité immédiate une liquidation qu’ils espéraient effectuer à loisir, avec discrétion, en passant par-dessus les deux liquidations de juillet. Il était permis, de supposer que les transactions à la Bourse conserveraient encore ce mois-ci une certaine animation, que la rentrée des loyers et le paiement des coupons allaient ramener sur le marché des capitaux en nombre considérable, 500 ou 600 millions peut-être, prêts à prendre la succession des syndicats en s’employant en valeurs de toute catégorie. La spéculation repasserait ainsi à l’épargne une bonne partie de son fardeau et aborderait en août la morte saison.