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celle de l’arbre sur lequel elle s’implante, le gui, n’a jamais été flétrie, à moins que ce ne fût par la mort de son support ; le gui a résisté à — 30 degrés, On s’est demandé si ce ne serait pas à cette immunité singulière, presque merveilleuse, que jadis en Gaule ce parasite aurait dû son caractère sacré. Parmi les espèces ligneuses, il faut encore distinguer ici deux catégories, selon qu’elles gardent ou perdent leurs feuilles pendant l’hiver, Les espèces à feuilles persistantes devaient être plus fortement atteintes par les froids hivernaux, qui les saisissaient pendant une activité plus grande de leur végétation, que tes espèces à feuilles caduques. L’arbre vert dont la quasi-destruction a été un fléau pour tout le centre de la France, c’est le pin maritime, que l’on croyait acclimaté dans cette région et qui a péri généralement dans toute la Sologne, en Champagne, dans la Sarthe, à Rambouillet comme à Fontainebleau et dans maint autre endroit, tandis qu’il est demeuré intact sur les dunes du Pas-de-Calais : exemple de ce que nous disions plus haut des conditions de la végétation occidentale ou maritime. Le pin maritime a résisté quand l’atmosphère lui a offert une quantité suffisante de vapeur d’eau. Voici maintenant un exemple des conditions de la végétation méridionale. La bruyère à balais (Erica scoparia), très abondante dans la Sologne orléanaise, où elle sert à la fabrication de ces ustensiles de ménage, avait été signalée jadis dans la forêt de Fontainebleau par Tournefort et par Sébastien Vaillant et même plus près de nous par Thuillier : c’était la limite de sa végétation. Mais depuis bien des années on ne l’y trouve plus, et il est permis de croire que sa disparition est due à la ligueur de certains hivers, d’abord parce qu’elle croît dans le sable, moins chaud que le calcaire, ensuite parce que l’hiver dernier M. Nouel l’a vue geler presque partout dans le Vendômois. Avec elle ont aussi gelé, dans le centre de la France, le houx, le lierre, le buis et le fragon petit-houx (Ruscus aculeatus). Le houx, qui a les dimensions d’un arbre en Algérie, en Corse et dans notre Midi, et qui se réduit de dimensions sous le climat septentrional, appartient comme le lierre et le buis à des familles déplantes dont ils sont aujourd’hui les seuls représentans dans notre pays, mais qui, dans des périodes antérieures, y étaient nombreuses, comme le prouvent les empreintes fossiles. Ces familles ont disparu sous l’influence de la rigueur croissante des hivers, n’ayant laissé derrière elles que des sentinelles attardées, destinées à disparaître fatalement à leur tour. Parmi les espèces à feuilles caduques, le sureau, les chênes eux-mêmes, surtout le chêne pédoncule, ont gravement souffert, mais le véritable désastre a frappé les châtaigniers et les noyers, si largement cultivés dans tout le val du Loir et en Touraine, et dont la perte laisse inactifs pour longtemps les moulins à huile de cette partie de la France.