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arenarium, à la Frette près Argenteuil, indique l’ancien rivage des sables de Beauchamp ? Pour expliquer ces phénomènes singuliers et d’autres analogues, on a parlé de naturalisation. Cela est bien vague et n’est guère acceptable à quiconque sait ce qu’il en coûte pour maintenir dans un jardin, avec toutes les ressources de la culture, les plantes arrachées violemment à leur station naturelle. Le lis safrané de Provence, dont les bulbes pressés recouvrent une partie d’un monticule de la forêt, la butte Saint-Louis, près Bois-le-Roi, n’y a pas sans doute été apporté exprès.

Des modifications semblables à celles des époques géologiques s’opèrent encore peu à peu dans le tapis végétal qui nous entoure et sont appréciables pendant le cours de la vie d’un homme. Mais elles sont légères et, pour être saisies, supposent une connaissance complète et ancienne de la flore d’une localité. C’est bien le cas pour Fontainebleau, dont les plantes les plus saillantes, presque toutes décrites dès 1698 par Tournefort dans son Histoire des plantes des environs de Paris, avaient même été signalées avant lui. En effet, Tournefort, en nommant les plantes de Fontainebleau, cite plus d’une fois les phrases diagnostiques du botaniste anglais Morison. L’existence de Morison a été aventureuse. Compromis dès sa jeunesse dans les troubles politiques qui se terminèrent par l’exécution de Charles Ier et dévoué à la cause des Stuarts, Morison dut s’enfuir en France, où il prit le grade de docteur en médecine à l’université d’Angers, en 1648. Déjà passionné pour la botanique, il fut bientôt au nombre des savans que s’adjoignit le Mécène de l’époque, le duc Gaston d’Orléans, pour l’entretien et la culture de son jardin de Blois, et dont les principaux sont, avec Morison, Abel Brunyer, Laugier et Nicolas Marchant. C’est Abel Brunyer qui publia, sous le nom d’Hortus regius blesensis, l’index anonyme où sont décrites les cultures du jardin. Lorsque Morison, après la restauration des Stuarts, fut retourné dans son pays et comblé de dignités universitaires, l’un de ses soins fut de rédiger une deuxième édition du catalogue de Brunyer, sous le titre d’Hortus regius blesensis auctus. C’est dans ces publications que furent nommées pour la première fois des plantes de Fontainebleau ; on est donc autorisé à penser que dans les voyages qui s’exécutaient en France, aux frais et par les ordres de Gaston d’Orléans, pour la recherche des plantes utiles à l’accroissement du jardin de Blois, le pays dont Fontainebleau est le centre fut activement parcouru. Il existe même, pour le prouver, un manuscrit précieux, longtemps conservé dans la célèbre bibliothèque de Jussieu (n° 3966 du catalogue de vente), manuscrit relié aux armes de Gaston d’Orléans et intitulé : Index plantarum jussu et largitione Celsitudinis Suæ Regiæ Gastonis Franciæ in Gallia hucusque collectarum. Dans ce manuscrit, daté de 1651, se