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un pays donné, vivent sur le calcaire, préfèrent ailleurs les sols siliceux. Cela est possible. Il est possible que la même plante recherche dans le nord le sol calcaire, plus chaud, et dans le sud le sol siliceux, plus perméable et plus frais. Il est possible qu’elle se conduise différemment à des altitudes et à des expositions différentes. Nous ferons remarquer cependant ici que la plupart des contradictions apparentes que Thurmann et ses partisans faisaient valoir contre la théorie de l’influence chimique se sont évanouies devant une observation plus scrupuleuse des faits.

Un autre point s’offrait, dans cette végétation si connue des botanistes parisiens, bien digne de leurs méditations. Nous voulons parler de la modification graduelle des flores. Si l’on voulait par la pensée remonter aux temps des révolutions successives du globe, on pourrait affirmer que la flore d’une région donnée a toujours, depuis l’origine des créations, subi des modifications de plus en plus profondes. Encore faudrait-il bien s’entendre sur ce mot « révolution, » un peu suranné aujourd’hui, — en géologie du moins, — et que la science actuelle tend à remplacer par celui d’évolution. Il y a longues années déjà que Constant Prévost a battu en brèche l’idée trop exclusive de cataclysmes successifs séparés par des périodes de repos complet. On reconnaît généralement aujourd’hui que les modifications des flores, plus encore que celles des faunes, ont été lentes et graduelles, d’une époque géologique à une autre. Les membres de la société ont pu en avoir, dans une de leurs excursions, une preuve aussi rare que convaincante. Un naturaliste de Moret, M. Chouquet, a découvert, il y a quelques années, dans les environs de cette petite ville, à La Celle, des carrières fort intéressantes, Ces carrières traversent des couches de l’époque quaternaire, c’est-à-dire de celle qui a précédé immédiatement la nôtre. On trouve dans ces couches des végétaux dont M. de Saporta a donné la liste et dont une partie appartient encore à la flore de notre pays, tandis que les autres ne vivent plus que dans des régions plus chaudes. Ce fait, fourni par l’étude du sol parisien, en explique bien d’autres. Les végétaux devenus aujourd’hui méridionaux, dont nous constatons encore quelques stations restreintes, éparses sur les sommets calcaires les plus chauds de nos environs, depuis Vernon jusqu’à Nemours, ne sont-ils pas des témoins d’une époque géologique antérieure, des vestiges d’une race jadis commune sur notre sol et qui ne s’est maintenue que sur les points où des circonstances locales lui ont permis de continuer à vivre ? L’Ammorphila arenaria, plainte des sables maritimes que l’on est stupéfait de rencontrer à Malesherbes, sur le coteau d’Auxy, n’est-elle pas là comme la marque d’un ancien rivage de l’époque quaternaire, ou même de celles des sables de Fontainebleau, comme le Phleum