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méridionale viennent chercher la chaleur géothermique nécessaire à leur existence.

Cette différence, si marquée à Fontainebleau entre la flore des sables et celle des deux calcaires, faisait l’intérêt véritablement scientifique de la session, en dehors de la recherche des espèces rares, tant prisées des collectionneurs. On sait que la répartition géographique des plantes est depuis de longues années l’objet de la méditation des botanistes les plus exercés, et, que l’une des causes qui, dans un même pays, influe le plus évidemment sur cette répartition, est précisément la nature du sol. Cette influence du sol a été, entendue de façons assez diverses et prête encore à des controverses assez vives. Les uns, avec Thurmann, l’ont attribuée à la nature physique du terrain ; les autres, bien plus nombreux aujourd’hui, à sa. nature chimique. Un excellent exposé de ces théories contradictoires et des discussions de leurs partisans a été publié récemment par M. Contejean[1], professeur à la faculté des sciences de Poitiers, qui, après avoir accepté avec enthousiasme la théorie de Thurmann dans ses premiers travaux, s’en montre aujourd’hui l’adversaire le plus décidé. On trouvera dans son livre de nombreux exemples de la difficulté que présente l’étude de l’influence du sol, exemples tour à tour invoqués en faveur des opinions les plus opposées.

L’un de ces exemples, le plus célèbre peut-être, avait été choisi par Thurmann lui-même dans la forêt de Fontainebleau, où nous ne croyons pas d’ailleurs qu’il soit jamais venu. Les grès et les sables siliceux de cette forêt nourrissent, disait Thurmann, la flore de la silice ; néanmoins dans plusieurs localités, notamment au mail d’Henri IV, on trouve sur ces mêmes grès une véritable colonie de plantes du calcaire. Or l’observation a démontré que le mail d’Henri IV est couronné par le calcaire de Beauce, comme plusieurs autres sommets ou plateaux de la forêt, le mont Merle, le mont Morillon, le carrefour des hêtres dans les monts Girard, le point de vue du camp de Chailly, la butte Saint-Louis, le Monceau, et comme aussi certains points des environs de Nemours et de Malesherbes. L’observation a même été plus loin. M. J.-E. Planchon faisait remarquer dès 1854[2] que le calcaire était au mail d’Henri IV dissimulé par une couche très mince de silice. Il résulte des observations précises faites pendant la session sur les lieux mêmes par un des secrétaires de la société, M. J. Vallot, observations que ce jeune naturaliste développera lui-même, dans le Bulletin de la société, que, sur le sommet même du mail, le calcaire de Beauce disparaît, revêtu par un de ces

  1. Géographie botanique. Influence du terrain sur la végétation, par Ch. Contejean. Paris, 1881.
  2. Bulletin de la Société botanique de France, t. Ier, p. 354.