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toute la république ; il est fixé à Paris. Il est destiné : 1o à perfectionner les sciences et les arts par des recherches non interrompues, par la publication des découvertes, par la correspondance avec des sociétés savantes et étrangères ; 2o à suivre, conformément aux lois et arrêtés du directoire, les travaux scientifiques ayant pour objet l’utilité générale et la gloire de la république. »

Ce vaste programme impliquait un large recrutement : la convention décida que le nombre des membres de la nouvelle compagnie serait de cent quarante-quatre titulaires, d’un nombre égal d’associés des départemens et de vingt-quatre associés étrangers, soit en tout trois cent douze sièges, dont la meilleure part, une part excessive peut-être, fut attribuée aux sciences. Déjà prépondérantes dans l’enseignement, elles allaient encore occuper la première place dans « le corps représentatif de la république des lettres. » L’influence des idées de Condorcet se marque ici bien nettement ; visiblement, à ses derniers comme à ses premiers jours, la convention en subit le joug. Sans sacrifier précisément les lettres, elle les relègue au second plan dans une situation en quelque sorte subalterne (dix-huit sièges sur cent quarante-quatre). L’ancien régime était plus libéral et traitait mieux les écrivains : il ne leur devait pourtant pas autant que la révolution.

Telle est, dans ses traits généraux, cette loi du 3 brumaire an IV, la moins imparfaite et la plus réfléchie des œuvres de la convention, son suprême effort, sa pensée définitive, le dernier mot de sa pédagogie. Et maintenant l’organisation de l’instruction publique suivant les principes et d’après les données révolutionnaires est complète ; à l’ancienne division des études en trois degrés va succéder un système d’éducation à deux échelons, fortifié par tout un ensemble de fêtes nationales et couronné par cette grande fondation d’un Institut unique, réalisant dans l’ordre intellectuel cette harmonie que la révolution avait déjà créée dans l’ordre administratif. L’instrument est trouvé, nous en connaissons les principales pièces ; reste à le voir fonctionner.


Albert Duruy.