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établi dans chaque canton de la république une ou plusieurs écoles primaires dont les arrondissemens seront déterminés par l’administration du département. » Ainsi dispose l’article 1er de la loi du 3 brumaire.

Cette rédaction manquait peut-être de précision ; peut-être avait-elle aussi l’inconvénient de laisser une trop grande latitude aux administrations départementales. Mais, — et c’est là son grand mérite à nos yeux, — elle était infiniment plus pratique que les ambitieuses prescriptions des lois antérieures. L’expérience démontrait assez qu’il ne servait à rien de décréter l’établissement d’innombrables écoles sans avoir au préalable assuré ses ressources, et dans la détresse où la révolution avait achevé de mettre les finances, à coup sûr il était bien permis de songer au nécessaire avant de s’occuper du superflu. Or le nécessaire, c’était qu’il y eût au moins une école primaire publique dans chaque canton. Ni Condorcet, qui en voulait une par groupe de quatre cents habitans, ni Lakanal, qui en avait fait décréter une par mille habitans, ne s’étaient rendu compte des difficultés matérielles qui s’opposaient à la réalisation de leurs vastes plans. La commission des onze en eut au contraire le sentiment très exact, et c’est en ce point surtout, on peut le dire, que, malgré ses défauts, son œuvre est encore supérieure à tous les projets de ses devanciers.

L’observation que nous suggère cet article, nous pourrions la renouveler à l’occasion de presque tous les autres articles dont se compose le titre Ier. Prenons, par exemple, les dispositions relatives à l’enseignement et à la condition des instituteurs. La lecture, l’écriture, le calcul et les élémens de la morale républicaine, voilà pour l’enseignement. Un logement et un jardin fournis par la république, une rétribution annuelle payée par les élèves et fixée par le département, voilà pour le personnel. Visiblement, nous ne sommes plus ici dans le grandiose, ou plutôt nous sortons de l’utopie. Nous n’avons plus en face de nous une assemblée présomptueuse, enthousiaste ; la convention a vieilli ; ses premières ardeurs, sa foi un peu naïve dans la régénération et le progrès indéfini, de l’espèce par la science, ont fait place à une philosophie plus positive, moins transcendante. Elle n’est plus au même degré qu’autrefois la dupe des mots ; après trois ans de bavardage et de déclamation, elle voudrait conclure, aboutir, et elle conclut en revenant sur plus, d’un point aux erremens de l’ancien régime.

Des écoles centrales. — La partie de la loi du 3 brumaire an IV relative aux écoles centrales se rapproche beaucoup de la loi du 7 ventôse. La commission des onze et son rapporteur Daunou n’ont guère fait ici que, reprendre en la simplifiant l’invention de