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En 1794, cette organisation était plus que défectueuse : elle n’existait plus ; un décret avait mis à la disposition du ministre de la guerre les élèves du génie militaire et des ponts et chaussées. Quant à l’école d’artillerie, établie à la Fére en 1756, transférée deux ans après à Bapaume, supprimée en 1772, rétablie par un décret du 15 octobre 1790 et installée à Châlons, dans une ville dénuée de toute espèce de ressources, après tant de vicissitudes, elle végétait assez misérablement. Tout son matériel d’études se composait de quelques pièces de siège et de campagne, et elle ne possédait ni cabinet de physique, ni laboratoire de chimie, ni bibliothèque, ni. collection d’aucune sorte.

La convention se trouvait donc fort dépourvue et placée dans cette alternative rendue chaque jour plus impérieuse par le développement que prenait la guerre, ou de revenir à l’ancien état de choses ou de faire du neuf. C’est à ce dernier parti qu’elle s’arrêta sur la proposition et grâce à l’énergique initiative de son comité de salut public, qui eut dans cette circonstance, — il ne faut pas craindre de le dire, — une véritable inspiration de génie. Créer à Paris, sous le nom d’école centrale des travaux publics, un vaste établissement destiné à former toute une pépinière d’ingénieurs civils et militaires ; donner pour maîtres à ces jeunes gens les plus illustres savans de l’époque, et comme objectif à leurs études, non-seulement les connaissances pratiques nécessaires à l’exercice de leur future profession, mais encore une forte et complète éducation scientifique, tel fut le dessein que le comité de salut public eut l’honneur de concevoir et la convention celui de réaliser sur le rapport de Fourcroy. Organisée par un décret du 7 vendémiaire an III, l’école centrale des travaux publics s’ouvrit le 10 frimaire suivant. Trois mois après le 15 fructidor, elle prenait le nom d’École polytechnique. « L’originalité de cette création, a dit un écrivain, c’est d’avoir senti qu’avant de parquer les jeunes gens dans des spécialités particulières, il fallait, suivant l’expression d’Arago, leur enseigner les principes généraux des sciences également indispensables aux ingénieurs civils et militaires. »

Cette idée si féconde appartient en effet bien en propre à la révolution, et c’est elle incontestablement qui a fait le succès de l’institution. L’École polytechnique n’était pas née qu’elle avait déjà réussi ; elle n’avait pas un an d’existence qu’elle était déjà fameuse dans toute l’Europe.

La convention, du reste, n’y épargna rien : la jeune école fut