Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un mois plus tard, elle achevait son œuvre en nommant aux chaires nouvellement créées des hommes dont les uns étaient déjà célèbres et dont les autres étaient destinés à le devenir bientôt ; au nombre de ces derniers, Geoffroy Saint-Hilaire, alors à peine âgé de vingt et un ans.

L’école révolutionnaire de Mars. — Lorsqu’en 1787, la célèbre école militaire fondée par Louis XV à l’instigation de Mme de Pompadour et aux applaudissemens des encyclopédistes, avait été fermée, les six cents élèves qui y étaient entretenus aux frais du roi avaient été répartis dans les collèges militaires provinciaux[1], de sorte que le recrutement des officiers de terre n’avait eu presque aucune atteinte à subir. En 1793, la situation était bien différente : l’émigration d’une part, la suppression des collèges militaires de l’autre avaient entièrement désorganisé les cadres, et, cela, dans un moment où le besoin d’officiers instruits et disciplinés se faisait cruellement sentir.

Dans ces conjonctures, il semble qu’il n’y avait qu’un parti raisonnable à prendre, c’était de rétablir au plus vite soit l’école, soit les collèges militaires. Le comité de salut public eut malheureusement une autre idée ; il crut possible de former en quelques mois, par une éducation et des procédés sommaires, un grand nombre d’officiers de toutes armes, et l’école révolutionnaire de Mars naquit.

Cette école, ou plutôt ce camp retranché, fut établie dans la plaine des Sablons, non loin du bois de Boulogne. On y appela de tous les points du territoire quatre mille jeunes gens environ, choisis par les agens nationaux, « parmi les fils de sans-culottes ; » pour les aguerrir et les habituer aux privations, on les soumit au régime de la vie en commun sous la tente et du lard rance, et on les maintint à l’état de réclusion absolue, « parqués dans une enceinte de palissades dont les intervalles étaient garnis de chevaux de frises et de sentinelles. »

Là, du matin au soir, ces jeunes gens devaient être exercés au maniement des armes, aux manœuvres de l’infanterie, de la cavalerie et de l’artillerie, et recevoir rapidement quelques notions de tactique, de fortification et d’administration militaire. La fraternité, l’amour de la patrie et la haine des rois faisaient également partie des matières obligatoires. Tantôt, entre deux exercices, la centurie (groupe de dix tentes) était convoquée pour entendre une instruction patriotique de la bouche de son chef le centurion, — qui était en général a un vieux soudard. » Tantôt toute l’école se réunissait dans la baraque qui servait de salle d’étude, et c’était quelque

  1. A Auxerre, Beaumont, Brienne, Dôle, Effiat, Pont-à-Mousson, Pontlevoy, Rabais, Sorèze, Tournon, Tyron et Vendôme.